Clé de voûte du PTNB, la maîtrise d’ouvrage est à même d’impulser la transition numérique et, par conséquent, l’adoption de la maquette numérique et du BIM. Les raisons sont tout autant d’ordre économique que technique et écologique, en phases de construction puis de maintenance.
Bertrand Delcambre, Président du Plan de Transition Numérique du Bâtiment, l’a réaffirmé récemment : contrairement à ce que la presse a pu avancer, à de multiples reprises, « il n’y aura pas obligation dans les appels d’offre des marchés publics, à l’orée de 2017, d’utiliser la maquette numérique. Le gouvernement préfère sensibiliser la filière de la construction afin que cette transition numérique du bâtiment se fasse dans la concertation la plus large possible. » Pour autant, la maîtrise d’ouvrage a un rôle majeur pour impulser le changement.
Mieux comprendre le BIM…
Pour que la MOA s’empare du BIM, il est indispensable comme pour tout autre client, de bien comprendre l’intérêt que cela représente. Le site d’informations Objectif BIM avance plusieurs facteurs-clés qui font pencher la balance : réduction des coûts, des émissions de carbone, du temps de finalisation d'un projet. On peut aussi pointer une amélioration de la communication avec les intervenants et le public, de la continuité des informations d'un projet jusqu’à la livraison d'un projet. Plus en aval, l’amélioration des performances d'un immeuble, de sa sécurité durant l'utilisation sont également à prendre en considération. Enfin, la réduction des déchets et de la consommation d'énergie représente un élément majeur dans le cadre du plan de transition énergétique.
On l’aura compris, les avantages sont donc nombreux et ce, dès la phase de conception du bâtiment jusqu’à celle de son recyclage. Ainsi, durant les études de faisabilité et la conception, l'extraction des quantités du modèle virtuel BIM permet de vérifier très tôt si un projet respectera les critères financiers et les délais de construction, de même que ses critères fonctionnels et environnementaux.
… pour mieux le faire accepter tout au long du cycle
Au-delà des phases de conception et de construction, le BIM est également un atout précieux pour les gestionnaires et propriétaires. Philippe Cottard, sous-directeur du développement et de la production immobilière à Habitat 76, explique : « Pour un bailleur social, le BIM version maîtrise d’ouvrage, c’est avant tout la gestion technique du patrimoine. »
Habitat 76 a investi 300 K€ en logiciels et choisi de numériser l’intégralité de son parc, soit 28 000 logements pour un coût total de 900 000 €. « Cela peut paraître beaucoup ; en fait, on table sur 32€ moyens par logement ! ». Pour rappel, Habitat 76 a gagné le BIM d'Argent "Projet neuf entre 5 000 et 40 000 m²" : 53 logements collectifs, Rouen (76) avec SOGEA Nord-Ouest dont la maquette Entreprise a été réalisée en BIM avec Autodesk Revit qui a permis d’effectuer des échanges IFC openBIM (certifié par buildingSMART International) et de livrer un DOE numérique permettant à Habitat 76 de gérer son patrimoine de manière efficace.
© Le Moniteur – 2015 / Habitat 76
Et de souligner une évidence : « Rappelons, en toute honnêteté, qu’un bailleur social cherche à être le plus efficient possible ; avec le BIM, les techniciens de proximité travaillent beaucoup plus vite. Sur le neuf, la formation et l’information de la maîtrise d’ouvrage sont relativement simples et peu onéreuses. Le gain est évident : on récupère des bâtiments de meilleure qualité. Il n’y a pas de temps de travail supplémentaire ni de temps d’arrêt de la construction. Dans un récent cas, nous avons pu livrer un chantier avec deux mois d’avance ! Des logements construits en s’appuyant sur le BIM seront des logements qui vivront mieux, qui auront moins de pathologies. Grâce à cette approche, nous parvenons à maîtriser 95% des problématiques en amont. »
MOA publique et BIM : montrer l’exemple
C’est bien du côté de la maîtrise d’ouvrage publique que la transition vers la maquette numérique est, à ce jour, la plus visible. En témoignent les récents BIM d’Or.
A titre d’exemple, on peut citer le Centre Hospitalier d’Ajaccio Notre-Dame de la Miséricorde. Le BIM a été intégré dès le stade de la programmation en tant qu’outil d’exploitation future dans un souci d’efficience. Le dialogue entre la maîtrise d’œuvre AART Farah Architectes associés et la maîtrise d’ouvrage (le CH) s’appuie sur un couplage entre maquette BIM et plateforme PLM pour anticiper la future gestion de l’établissement.
© AART Farah Architectes 2015
Dans le secteur du logement collectif, la construction de 53 logements à Rouen par Habitat 76 en maîtrise d’ouvrage via le BIM a permis d’impulser une dynamique collaborative. « La plus-value apportée par la maquette en tant que support de communication auprès d’un large public facilite la gestion et la commercialisation. Elle devient un outil de management et de pédagogie pour l’équipe d’encadrement du chantier », explique-t-on à Habitat 76.
La MOA ne peut agir seule
Si la maîtrise d’ouvrage doit fortement s’impliquer dans la rédaction de son programme BIM pour être la locomotive du changement, il convient pour chaque acteur de la chaîne de construction de jouer son rôle.
Ainsi, plusieurs agences ont choisi de numériser systématiquement les bâtiments en neuf comme en rénovation même sans une demande expresse de la maîtrise d’ouvrage et ce, pour des raisons évidentes de cohérence et, à terme, de gains de productivité.
Tout le travail amont et au fil des phases, sur le BIM, s’adresse de façon privilégiée aux clients/gestionnaires, véritables bénéficiaires, insuffisamment informés sur le sujet, selon Mediaconstruct. Ils détiennent les clefs de la généralisation du BIM et des bénéfices pour la collectivité toute entière.
Tout le monde s’accorde sur le fait que la maîtrise d’ouvrage sera la locomotive de la transition numérique du bâtiment… mais chaque wagon du « train de la construction » doit apporter sa valeur ajoutée et participer à l’élan commun. Ce qui est, en partie, déjà le cas…