Notre découverte des Société leaders du BIM en France et à l’international continue. Nous recevons cette semaine Sahar Kanzari, architecte et BIM Manager au sein du Groupe d’Ingénierie Artelia qui va nous parler de son parcours et des très beaux et très techniques projets sur lesquels elle est impliquée.
Sahar Kanzari
Architecte et BIM Manager
Artelia
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Bonjour Sahar,
Nous sommes heureux cette semaine de recevoir une jeune Femme experte du BIM au sein d’une grande Ingénierie française que représente ARTELIA. Découvrons l’étendue de votre rôle et de vos missions au sein de l’un des plus grands leaders de l’ingénierie en France.
Sahar, pouvez-vous tout d’abord nous parler de votre parcours personnel ? Une fois n’est pas coutume, vous êtes-vous-aussi de formation architecte je crois ? Qu’est-ce qui vous a mené vers l’architecture ? Est-ce la passion ?
Oui, je suis de formation Architecte. J’ai fait mes études à l’école d’Architecture et d’urbanisme de Tunis.
A la base, je pensais faire des études de médecine car j’avais un esprit plutôt scientifique et j’ignorais absolument tout du monde de l’Architecture. C’est après le Baccalauréat que j’ai décidé de m’engager dans cette voie.
Aujourd’hui, En tant que BIM manager, je peux concilier la partie artistique de l’architecture avec la technique de l’ingénieur.
Quelles expériences passionnantes avez-vous fait avant ARTELIA ?
Avant d’intégrer le groupe ARTELIA, j’étais Architecte BIM à Abu Dhabi pour le projet du musée du Louvre. Je travaillais pour le compte de l’entreprise Oger International sous le groupe d’entreprises ASO.
Ma tâche consistait à gérer la modélisation des lots architecturaux dont j’étais responsable, faire des études de coordination et superviser la préparation des plans d’exécution. Ainsi, nous avons pu développer des maquettes numériques très détaillées en collaboration avec les fournisseurs de matériaux. En effet, les études d’exécution se font en intégrant les objets des fabricants et en s’assurant de la réalité constructive de l’ensemble. Nous avons notamment pu atteindre un niveau de détail très avancé. On pourrait assimiler cela à du LOD500 ou ND5.
L’ensemble de la modélisation du projet du Louvre d’Abu Dhabi s’est faite avec le logiciel Revit d’Autodesk.
Vous êtes une jeune architecte. Parlait-on déjà de BIM au moment de vos études et le sujet vous a-t-il de suite passionné ?
J’ai eu mon diplôme d’Architecture en 2009. Durant mes études nous utilisions AutoCAD et 3ds Max pour nos projets et à l’époque nous n’avions aucune idée sur le BIM ou le logiciel Revit.
En revanche, l’utilisation d’AutoCAD et 3ds Max est un bon moyen de monter en compétence sur le BIM afin de bien appréhender la modélisation 3D et le dessin 2D. La curiosité et l’intérêt pour les nouveautés m’ont ainsi orienté vers le BIM et l’intégration de la donnée au sein de la modélisation.
Comment une architecte se retrouve à un poste à responsabilité au sein d’une grande ingénierie ?
C’est une sacrée histoire ! Le projet du Louvre d’Abu Dhabi arrivant à sa fin, j’ai commencé à chercher un nouveau challenge. Les Émirats Arabes Unis est un beau pays, mais je souhaitais découvrir autre chose. J’ai alors postulé à une annonce sur le site d’Artelia qui recherchait un BIM Manager. Les échanges se sont fait sur Skype avec une approche très professionnelle. J’ai tout de suite senti la vision d’un grand groupe sur le BIM et j’ai eu envie de rejoindre l’aventure. Lorsque Artelia est revenu vers moi pour me confirmer mon embauche, mes valises étaient presque prêtes, puis direction Paris et le Service BIM d’Artelia.
Pouvez-vous nous présenter en quelques phrases ARTELIA, votre organisation, vos domaines d’intervention, la manière dont Artelia appréhende le BIM ?
Au sein du service BIM d’Artelia, je suis BIM Manager. Le service est composé de 5 BIM Managers et 2 BIM modeleurs. Nous assurons plusieurs types de mission autour du BIM : Modélisation, conseil et Data
Management aussi bien en interne d’Artelia que pour des clients externes. Nous assurons des missions très diverses qui nous permettent d’apprendre énormément : hôpitaux, bureaux, IGH, nucléaire, centre commerciaux, logements… c’est impressionnant de voir comment le BIM touche toutes les typologies de bâtiment et de constructions.
Artelia appréhende le BIM d’une façon très pragmatique en étant à l’écoute de tous les acteurs du projet et en les accompagnant à utiliser au mieux les outils BIM. Nous axons notamment nos missions autour de la donnée générée par le BIM et la gestion de celle-ci.
Vous travaillez avec le Responsable de l’activité BIM Yann Thomas très connu en France. Comment s’articule votre collaboration ?
Notre collaboration est très complémentaire car Yann donne à ses collaborateurs une réelle autonomie tout en garantissant l’expertise BIM et le savoir-faire d’Artelia. Il s’efforce avec passion de nous apporter des solutions. Ainsi, je suis depuis peu en charge de la cellule de modélisation 3D que nous développons au sein du Service BIM. J’ai ainsi pu participer au salon Bilt 2017 à Aarhus et deux collaborateurs du Service étaient à Autodesk University à LAs Vegas en 2017.
Quel est votre rôle précis et vos missions en tant que BIM Manager ?
En tant que BIM Manager, j’assure des missions de BIM Management en interne et en externe. En externe, j’ai pu organiser le BIM sur les projets de la Tour Hekla de Jean Nouvel et des Tours Sisters de Christian de Portzamparc (cf. image ci-dessous).
L’enjeu est de valoriser l’ensemble des productions BIM des intervenants et réussir à les challenger sur certains points. Le BIM Manager est un Manager transversal qui doit réussir à créer une équipe BIM à même de répondre aux défis des projets.
En interne, je suis BIM Manager pour le projet du CHU de Nantes pour lequel nous réalisons l’ensemble de la conception en BIM. Je manage ainsi la production sur plusieurs sites d’Artelia et m’assure que les règles communes sont bien appliquées. Je suis souvent en interface avec les architectes afin de bien collaborer et profiter des bénéfices du BIM.
Sur quels projets prestigieux travaillez-vous en ce moment ? Vous travaillez notamment sur de futurs joyaux qui seront construits à la Défense n’est-ce pas ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Je travaille effectivement sur la tour Hekla qui est intégralement conçue en BIM, et pour laquelle nous avons déposé une candidature au BIM d’or 2018.
Tour Hekla, architecte : Ateliers Jean Nouvel – Ingénierie et BIM : Artelia
Mais je préfère vous présenter le projet du CHU de Nantes qui selon moi est tout autant prestigieux.
Le CHU de Nantes sera situé sur l’ile de Nantes. Il est composé d’une douzaine de bâtiments pour environ 250 000m².
Nous travaillons avec les architectes Art&built et l’agence Pargade ainsi que Signes paysage… et tout en BIM.
C’est un vrai challenge organisationnel qui a été appréhendé des 2015 par l’envie des concepteurs de se lancer dans l’aventure du BIM.
Nous travaillons essentiellement avec le logiciel Revit d’Autodesk, et venons de livrer l’APD qui est en cours d’analyse auprès de l’AMO BIM EGIS (avec un autre expert BIM bien connu…). Voici quelques chiffres sur ce rendu APD : 3,4 Go de fichiers Revit, 51 maquettes Revit, une taille maximale de fichier à 177 Mo et une taille moyenne à 41Mo. Ces indicateurs nous montrent l’importance de structurer la démarche BIM pour obtenir des résultats conformes aux attentes.
La phase PRO va être lancée prochainement avec un enjeu de gestion des exigences programmatiques très important. Nous allons utiliser la solution DRofus afin de profiter encore plus de la puissance du BIM.
Avec quelles grandes agences d’architecture travaillez-vous ?
J’ai pu travailler pour les ateliers Jean Nouvel à Abu Dhabi et maintenant je collabore avec les équipes françaises sur le projet de la Tour Hekla et aussi sur les Tours Duo. Je travaille aussi avec de Portzamparc, Axel Schoenert, PCA (Philippe Chiambaretta).
Comment se passe la collaboration avec ces agences ? Le BIM sous-tend le pouvoir, avez-vous souvent les missions de BIM Management ? Et cela influe-t-il sur vos relations avec les parties prenantes ?
Nous n’avons pas du tout cette vision. Nous avons une expertise que nous partageons sur nos projets. En revanche, chaque projet a besoin d’un pilote et nous le sommes en tant que BIM Manager.
Travaillez-vous aussi bien sur des projets bâtiment que d’infrastructure ?
Je travaille sur des projets de bâtiments. Mais le service BIM et Artelia travaillent sur de nombreux projets d’infrastructure en BIM tels que le Grand Paris Express, ligne 18.
Quels avantages principaux une ingénierie telle qu’Artelia tire à utiliser le BIM ?
Nous avons mis en place depuis plus de deux ans un référentiel unique pour tous les projets internes ARTELIA (BIM Toolbox). Nous pouvons ainsi produire nos projets de façon semblable partir chez Artelia. Nous pouvons aussi extraire des données structurées permettant de faciliter la conception de nos projets.
Quels sont selon vous vos éléments différentiateurs face à vos concurrents ? Avez-vous une avance technologique ?
Nous avons La chance d’avoir un service dédié au BIM qui crée ainsi une émulation entre nous. Nous discutons aussi bien de géo-référencement dans Revit que d’intelligence artificielle ou d’impression 3D. Ce partage permet d’apporter le meilleur conseil à nos Clients.
Concernant l’avance technologique… je ne peux pas dire grand-chose si ce n’est que cela concerne le BIM en Exploitation / Maintenance.
Quels sont les plus beaux succès récents d’Artelia BIM ?
Difficile d’en citer un, mais je pense que la collaboration BIM sur la Tour Hekla est une belle réussite. Au-delà du rendu de qualité, la complémentarité entre tous les acteurs y compris l’entreprise est une belle preuve des gains du BIM.
Est-ce difficile pour une jeune femme de s’imposer dans le BIM ?
Je n’ai eu aucun problème à m’imposer en tant que Femme, au contraire, je croise de plus en plus de femmes dans ce domaine. Nous n’avons même pas la parité au sein du service BIM, en effet, il y a 4 femmes pour 3 hommes…
Et en tant que BIM Manager, quelles sont les plus grandes difficultés auxquelles vous êtes confrontée ?
La seule difficulté c’est le blocage face au BIM. Il faut alors savoir expliquer les enjeux d’un tel changement dans les méthodes de travail et savoir communiquer l’avancement et les gains à chaque phase du projet.
Pouvez-vous nous relater de beaux souvenirs en tant que BIM Manager ? Et des souvenirs plus difficiles ?
Le meilleur souvenir a été de fêter la fin de la phase APD de la Tour Hekla avec l’équipe au complet (intervenants BIM et client). Nous avons tous établi un rapport humain très fort et un esprit d’équipe exceptionnel qui s’est prolongé par la suite durant la phase PRO du projet.
Le mauvais souvenir c’est de gérer un projet en BIM où la majorité des acteurs ne font pas du BIM et de devoir chercher des solutions pour assurer une collaboration entre des maquettes BIM et des plans 2D.
Comment voyez-vous le BIM évoluer en France ? Est-ce positif selon vous ?
La France a adopté le BIM beaucoup plus tard que des pays anglo-saxons mais l’approche est complètement différente.
Face aux exigences de la maîtrise d’ouvrage sur la maquette exploitation maintenance, je vois la partie Data évoluer beaucoup plus rapidement en France qu’ailleurs.
Quels sont les projets et objectifs futurs d’Artelia en termes de BIM ?
La prochaine échéance concerne le BIM d’or 2018 pour lequel nous allons attendre les résultats avec impatience. Nous allons aussi continuer à développer notre expertise notamment vers l’international.
Sahar, encore merci pour tous les lecteurs d’ABCD Blog qui seront certainement ravis de cette belle découverte de votre rôle au sein d’Artelia.