Interview BIM Management – Episode #44 Thibaud De Loynes, continuons de partager collectivement nos outils, manières de faire, problématiques, usages et expériences.

Nous avons cette semaine le plaisir de recevoir l’un des Grands Experts français du secteur de l’AEC, Professeur Associé au CNAM dans la Chaire BTP, qui contribue à la transformation digitale du secteur de cette Industrie depuis des décennies, Thibaud de Loynes.

Thibaud De Loynes
Consultant & Formateur transition numérique BTP – Professeur associé CNAM BTP
Contact : tdl@bservice.fr
Société : Bservice Conseil – Versailles

Bonjour Thibaud et bienvenue sur ABCD Blog. Pourrais-tu te présenter en quelques mots stp pour nos lectrices et lecteurs ?

Tout d’abord, je te remercie Emmanuel pour notre échange ouvert, ainsi que pour ton énergie à promouvoir le BIM et le numérique pour toutes et tous.

Je suis actuellement consultant et formateur. J’accompagne les entreprises et personnes du secteur du BTP et de l’immobilier dans leur transition numérique.

Mon activité se fonde sur plus de 20 ans de travail dans différents métiers du bâtiment, de l’énergétique et du numérique. J’ai été responsable de travaux et de projets de développement à l’international chez Bouygues Construction (Pologne, Asie), entrepreneur dans la rénovation du bâtiment, le digital et les ENRs, et consultant en coordination de projets axés sur le BIM.

Je suis par ailleurs professeur associé au CNAM au sein de la chaire BTP sur le thème du BIM, des outils numériques et de l’IA.

Quelle est ta formation à l’origine et comment et pourquoi as-tu décidé de travailler dans le secteur de l’AEC ?

J’ai une formation d’ingénieur à l’école Centrale de Lille, avec une spécialisation initiale dans la Qualité et les processus industriels.

Après avoir fait un stage sur chantier en rénovation pendant ma formation, j’ai trouvé fascinant de voir la diversité des métiers et savoirs du BTP, ainsi que la possibilité de voir émerger un projet. 

J’ai complété plus tard ma formation avec un MBA à HEC pour gérer des sociétés en développement et des investissements dans les énergies renouvelables et le digital en France et en Chine.

Quels fondamentaux t’ont apporté ton Ecole, au-delà des connaissances métier ?

Essentiellement, je dirai l’ouverture, la méthode, la capacité d’analyse pour poser les questions et organiser son travail.

Quels ont été tes premiers pas après tes études ? Pourrais-tu stp nous parler de ton parcours professionnel ? Notamment de tes belles expériences chez des majors ?

Je suis rentré comme ingénieur qualité dans le groupe Bouygues. J’ai souhaité partir comme conducteur travaux à l’étranger comme ils ouvraient une filiale en Pologne en 1996. J’ai découvert la rénovation de bâtiments historiques : on a reconstruit l’ancienne mairie de la ville de Varsovie ci-dessous, en se basant sur les photos historiques d’avant-guerre sans relevés 3D à l’époque.

Plus tard, j’ai évolué en tant que responsable gros-œuvre sur le projet de la construction d’une banque, et en tant que responsable de développement d’un projet immobilier de centre commercial de 100 000m2. C’était le moment où les grandes enseignes de distribution françaises pénétraient les marchés d’Europe Centrale et diffusaient les concepts d’hypermarchés, et où Bouygues gagnait des projets en Russie et en Asie Centrale, et « PFI » en Grande-Bretagne dans les années 2000.

Quand le numérique et le BIM ont-ils fait irruption dans ton parcours ?

Il y a 10 ans, j’ai découvert le BIM dans les premiers salons et conférences qui sont aujourd’hui très fréquentés.

C’est alors que j’ai répondu à un appel d’offre du Plan de Transition Numérique dans le Bâtiment (PTNB) sur l’expérimentation du BIM. J’ai travaillé sur la modélisation de projets de transformation de bureaux SNCF en espaces de coworking, ce qui m’a permis de comprendre la modélisation BIM d’un bâtiment existant dans son contexte.

Pour le numérique, j’avais géré des mandats de start-ups digitales dans le mobile, l’e-commerce, et l’efficacité énergétique pour des investisseurs dans les années 2000- 2010.

En quoi penses-tu qu’ils soient primordiaux pour l’évolution du secteur ?

Au début, j’ai vu avec mon œil « travaux » l’avantage d’avoir les plans et informations (métrés, équipements..) accessibles en 3D et temps réel sur chantier.

Ensuite, ces dernières années, le BIM continue d’évoluer vers la data avec le secteur du numérique.

Il y a de plus en plus de logiciels et d’applications sur le marché pour répondre aux nombreux besoins métiers, par phases et usages BTP, en conception, construction ou exploitation.

Mais avec l’arrivée de l’IA et les enjeux énergétiques, de décarbonation et d’industrialisation, il va falloir fiabiliser et faciliter le partage d’informations entre tous ces outils, ce que permet l’interopérabilité, notamment openBIM.

L’une de tes dernières grandes missions était pour une grande ingénierie française sur des projets prestigieux. Pourrais-tu nous en dire quelques mots stp ?

J’ai collaboré en effet avec Setec en synthèse BIM sur des gares du Grand Paris avec d’autres maîtrises d’oeuvre comme Egis, AREP et les entreprises pour coordonner des études et des processus numériques en exécution.

Pour moi, voir creuser la « cathédrale » souterraine du chantier EOLE DEFENSE sous le parvis vide pendant la période du covid, a été une expérience unique. Et il y a une reconnaissance de l’excellence Française en technique & ingénierie d’infrastructure comme le montre la communication ci-dessous :

Quand et pourquoi as-tu décidé de monter ta propre structure ?

Initialement, j’ai créé ma société en 2008 pour me tourner vers le développement durable et le « green building ».

J’ai démarré dans les énergies renouvelables avec une équipe en pose de couverture et toiture solaire PV en France, et en efficacité énergétique – projets avec pose de capteurs et contrat de performances énergétiques sur des usines, bâtiments ou data centers en Chine.

J’ai ensuite évolué en société de conseil, puis vers le numérique, jusqu’au traitement des données aujourd’hui.

Quels services proposes-tu à tes clients ? Tu sembles impliqué sur toutes les dernières tendances d’innovation actuelles ?

Je propose des services de conseil en stratégie et accompagnement de projets, pour les besoins des entreprises du BTP et de l’immobilier.

Je fais aussi partie d’un collectif avec d’autres spécialistes : artisan, modélisateur, AMO énergétique, digital, UX, et IA pour partager les connaissances et travailler sur des cas d’usages.

Avec ce collectif, je lance une plateforme en ligne B3DATA pour assister les artisans, entreprises et propriétaires immobiliers professionnels dans leur numérisation et gestion en ligne de leurs ouvrages. Nous faisons les maquettes en ligne et proposons du stockage de données structurées, avec du service d’assistance à distance et du support IA.

Cela répond au premier besoin d’avoir ses informations structurées et accessibles à jour de son ouvrage sur le terrain (espace, bâtiment, infrastructure) ou de son bien immobilier sur son cycle de vie. Qui n’a pas connu sur le chantier ou en visite le problème de ne pas avoir le bon plan ou information à jour disponible !

Ceci permet aussi de répondre au besoin de réduction des coûts, des erreurs ou pertes d’informations ou redondances comme l’impression des plans papier en premier, et des impacts des ouvrages.

Notre mission est aussi de former et d’insérer des personnes qui ne peuvent se déplacer, travailler sur site ou en reconversion (ex-artisans, personnes en situation de handicap, mono-parental..) sur les métiers de la CAO, de la préparation des données avec l’IA qui vont se développer dans notre secteur.

D’ailleurs, quelles sont selon toi les tendances les plus importantes qui vont changer le secteur de l’AEC ?

Comme évoqué :

  • Data et IA
  • L’intégration entre ville, bâtiment et espace immobilier
  • L’industrialisation, la robotisation et le hors-site
  • Les bio-matériaux
  • La décarbonation
  • Et le modèle de recherche d’économie de coûts et d’optimisation des processus qui va impacter notre secteur.

Entre AMO et services divers, proposes-tu aussi la création de jumeaux numériques ?

Pour nos clients, nous avions la demande de préparer la maquette de référence de son «ouvrage ou espace » et de lier les informations, comme les consommations énergétiques par zone.

Une maquette en BIM sert de fondation et de base de données initiale pour partager avec d’autres professionnels, et notamment pour les jumeaux numériques ou logiciels spécialisés (calcul, GED, plateformes, GTB/twin/maintenance/BOS…).

Exemple de maquette IFC pour suivre les consommations après un audit énergétique avec la base de données associée pour que le client gère ses données.

La data et sa structuration jouent-elles selon toi un rôle crucial dans la stratégie de transformation des entreprises et pourquoi, voire comment ?

90% des bâtiments ou infrastructures aujourd’hui n’ont pas de plans, logiciels ou données à jour de manière accessible.

On voit en performance énergétique le retour sur investissement direct quand on mesure la data pour réduire les consommations. 

La donnée apporte l’inventaire, l’analyse et la prédiction.

La structuration et préparation des données, leur fiabilité, leur mise à jour et partage sont les sujets pour interagir et collaborer dans les plateformes, systèmes d’information, processus et projets ou exploitation sur le terrain.

En rapport avec cela, tu as aussi été très impliqué à l’époque avec buildingSMART et PPBIM. Quels ont été les bénéfices pour l’industrie de l’AEC ?

J’avais proposé ma collaboration dans l’animation d’un groupe de travail buildingSMART International sur la qualité de la donnée.

Je participais aussi pour un organisme européen de certification des produits CVC, aux sessions de travail sur la norme « PPBIM » sur les propriétés BIM à l’AFNOR : on a pu par exemple définir les propriétés minimales que devait contenir une pompe à chaleur. Cela se retrouve dans les dictionnaires de référence bsDD (buildingSMART Data Dictionary) qu’utilise le secteur pour échanger l’information standardisée et harmonisée.

La plateformisation du secteur de l’AEC est aussi un enjeu de taille. Qu’en penses-tu et comment agis-tu de ce point de vue ?

Le cloud et les plateformes sont présentes sur nos processus et projets.

Le sujet est la propriété ou l’utilisation des données sur ces plateformes, leur traçabilité entre les phases études, exécution ou exploitation, et l’interopérabilité entre les logiciels et plateformes. Il va y avoir aussi besoin de bases de connaissances et de tiers de confiance.

Pour ma part, je suis sur les aspects d’accompagnement, de formation, de simplification, d’accès à sa maquette et ses données pour des personnes non-expertes. Je travaille sur des tests d’usages pour échanger.

Pourrais-tu nous parler de ton arrivée au CNAM, de ton rôle et de l’importance que cela revêt à tes yeux ?

J’ai rejoint récemment la Chaire BTP du CNAM Paris, sur les sujets du BIM, des outils numériques et de l’IA.

Personnellement, avoir rejoint le CNAM pour former et partager avec des étudiants et des professionnels partout en France et ouvert au plus grand nombre est une mission importante. 

Comment et à qui s’adresse le contenu créé au CNAM ? Et sous quelles formes ?

Le CNAM s’adresse à toute personne qui souhaite une formation avec un diplôme ou un perfectionnement professionnel.

Il y a de nombreuses unités d’enseignement, notamment hors temps de travail  : Bâtiment Travaux publics | Accueil | Portail national | Cnam

Comment vois-tu l’avancée du BIM en France ? Penses-tu qu’il faudrait faire plus ou différemment ?

Le BIM est maintenant bien connu en France, mais cela reste encore trop spécifique par projet et le coût et la discontinuité restent des freins.

La numérisation de la ville au bâtiment ou de l’actif immobilier est encore très faible. L’immobilier est aussi en phase de transformation, notamment avec le fractionnement digital à venir (tokénisation).

Démarrer tout projet ou suivi avec une base de maquette numérique 3D est un futur gain en temps et économies.

Le BIM s’intègre dans un processus plus industriel de la donnée actuellement et c’est un challenge. Et maintenant l’IA nous oblige à réfléchir à nos processus, et cela  repose le débat pour les usages du BIM ou de la donnée efficace et utile pour l’impact durable des bâtiments.

Comment peut-on te contacter pour faire appel à tes services ?

Mon mail tdl@bservice.fr ou via LinkedIn.


Quelles sont tes passions hors travail ?

Surtout la musique dans un groupe pop/jazz.

Souhaiterais-tu dire quelque chose de particulier à nos lectrices et lecteurs ?

Très simplement : « Continuons de partager collectivement nos outils, manières de faire, problématiques, usages et expériences. »

Connaissais-tu ABCD Blog ?

Oui, évidemment, on ne peut pas le manquer !

Thibaud, merci pour le temps que tu nous as accordé et bravo pour la richesse de ton parcours.

Merci à toi Emmanuel !

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