Anne-Solène Dris – Ingénieur d’études numériques BIM
VINCI Construction France
http://www.vinci-construction.fr/
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Après quelques mois de pause, nous reprenons les interviews BIM Managers avec cette semaine, l’une des “ Figures ” du BIM qui officie chez le leader mondial du BTP en la matière, le Groupe VINCI Construction France, avec Anne-Solène Dris.
Bonjour Anne-Solène,
C’est un grand honneur pour nous d’accueillir l’une des Femmes du BIM française ! Tu fais partie de cette élite et porte haut les couleurs du BIM chez VINCI Construction France. Par avance, merci pour le temps que tu nous accordes. Ton interview suscitera nous en sommes certains, de l’admiration et des vocations qui sait.
Bonjour Emmanuel, et merci de ton intérêt, je ne suis pas sûre qu’on puisse parler d’élite mais je me prête à l'exercice avec grand plaisir.
Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, pourrais-tu nous parler brièvement de ton parcours universitaire et de ton entrée dans la vie professionnelle Anne-Solène ? Comment cette passion pour le BTP est née chez toi ?
Mon parcours universitaire est plutôt commun : une école d’ingénieur du bâtiment (Polytech’Nantes Génie Civil) avec un cursus en école d’architecture (ENSAN) dans la région nantaise. Ce qui l’est peut-être un peu moins, c’est qu’à mes 15 ans, je savais vouloir travailler dans les domaines soit du bâtiment, soit de l’informatique. Le premier, parce que bâtir des lieux de vie (bureaux, logements, centres sportifs, lieux culturels, associatifs…) pour les autres est à mon avis l’un des deux plus beaux métiers du monde et le deuxième car j’adore résoudre les problèmes mathématiques et de logique. Mon cœur est un bâtisseur, le BTP l’a emporté.
Avant d’intégrer la région Ouest de VINCI Construction France dont nous allons parler après, peux-tu nous parler de ton parcours professionnel et comment le BIM est arrivé vers toi ou l’inverse ?
Dès la première année d’école d’ingénieur, j’ai pu suivre des ateliers de l’ENSAN, où nous travaillions déjà avec certains outils informatiques qui participeront plus tard au BIM. On est en 2009/2010.
En deuxième année d’école d’ingénieur, j’ai eu l’opportunité d’effectuer mon parcours international de 3 mois dans l’équipe BIM de VINCI Construction UK près de Londres où j’ai pu retrouver le développement informatique et la 3D dans le BTP. Le gouvernement anglais annonçait alors sa réforme BIM et me concernant, il n’était plus question que je travaille sans ces technologies. Ensuite, j’ai eu de la chance et j’ai fait de belles rencontres qui m’ont donné l’opportunité de faire mon PFE (projet de fin d'étude) sur les développements techniques avec notamment du BIM.
Tu as travaillé chez un grand éditeur logiciel je crois ? Sans le citer, qu’est-ce que cela t’a apporté dans la suite de ton parcours ? Cela change-t-il ton regard sur les outils numériques et leur évolution, leur mise en œuvre en entreprise ? Est-ce un avantage ?
Travailler chez un éditeur de logiciel m’a permis de travailler avec des milliers d’entreprises et de profils différents : du constructeur de maisons individuelles à l’architecte en passant par les bureaux d’études structure jusqu’au plus grands groupes de concepteurs et de constructeurs. J’ai été confrontée à de nombreuses problématiques, des enjeux et des volontés complètement différentes.
Mais si la croissance des compétences techniques est la partie émergée de l’iceberg, c’est sans aucun doute sur la conduite du changement et sur la gestion de l’humain que j’ai le plus appris. En tant que jeune ingénieur, dans un domaine aussi évolutif que le BIM, la capacité à réagir aux nouveautés, aux imprévus et à intégrer des évolutions et des nouvelles méthodes de travail aux différents membres d’un projet en douceur fait partie de notre quotidien. C’est donc un point primordial.
J’imagine que je comprends également mieux mon partenaire éditeur aujourd’hui, j’espère être une cliente apportant des problèmes intéressants mais c’est à tes équipes qu’il faut poser la question !
Comment s’est passée ton arrivée chez VINCI Construction France ? Qu’est-ce qui t’a décidé à rejoindre ce grand Groupe et quel défi à relever t’a motivé à le faire ?
Travailler chez cet éditeur fut une très belle expérience mais je souhaitais m’inscrire dans le projet de développement de cette entreprise et être surtout partie prenante des projets pour lesquels je développais des méthodologies, des gabarits, solutions de métrés ou autres pour des clients durant quelques semaines voire quelques mois. Après ces 2 années, le BIM étant également plus « mûr » en France, je voulais travailler à nouveau pour un groupe de construction. L’opportunité m’a alors été donnée de prendre l’animation d’une équipe de « BIMeurs » en place afin d’en développer les compétences et d’animer le BIM pour la Direction Déléguée Ouest de VINCI Construction France, dont le patron avait une vision encore plus ambitieuse : le BIM utilisé par tous les services d’ingénierie et sur tous les projets. Du déploiement, de la R&D, des projets concrets, des idées innovantes et la volonté d’essayer… J’avais hâte de commencer et aujourd'hui je suis encore plus motivée !
Quels sont les contours précis de ta mission chez VINCI Construction France ? Quels objectifs as-tu pour la direction déléguée Bretonne ? Devenir numéro 1 du BIM dans l’Ouest ?
Chez VINCI Construction France, je suis en charge du développement des outils numériques pour l’Ouest, le BIM en étant la dorsale naturelle.
Numéro 1 du BIM dans l’Ouest, oui ce serait un bon début.
Ici, mon objectif est simple : que nos projets apportent de la fierté et l’envie de continuer à nos partenaires (il faut savoir que pour beaucoup, nous accompagnons leur premier projet BIM), que le travail collaboratif favorise encore davantage l’émergence d’idées innovantes et de solutions techniques améliorant la qualité et l'efficience du projet et enfin que l’on puisse capitaliser de nos expériences en BIM-DOE pour l’intégration des BIM en gestion de patrimoine (il y a aujourd'hui un manque de standardisation du BIM en France et à l’international).
Le rôle de manager dans le BIM Management, on le sait, n’est pas facile. Mais pour une Femme, est-ce encore plus difficile ? Quelle est ta perception de cet aspect ?
Je pense que la différence de genre dans le travail n’existe plus quand la compétence technique est constatée. C’est ce court laps de temps, le moment où « l’on fait ses preuves » avec une équipe de projet, qui est peut-être plus sensible lorsqu’on est une femme.
Mes points forts sont mon responsable et l’ensemble de mes collègues, prêts à m’épauler si je rencontrais une difficulté.
Quelles qualités sont requises selon toi pour bien tenir le rôle de manager dans le BIM management d'un projet?
Selon moi, la principale qualité sur ce type de rôle est l’altruisme. Il faut être au service des autres, notre objectif doit être de toujours chercher à faciliter le travail des contributeurs BIM ou de leur utilisateur final (dans le cas du BIM-DOE).
Il faut pour cela également être curieux, innovant (les outils évoluent très vite), savoir piloter le changement et conduire un projet avec toutes les spécialités et logiciels embarqués.
Connaître les différentes solutions BIM du marché est un incontournable pour le management du projet.
Combien de personnes as-tu dans ton Equipe ?
Nous avons une logique de projet chez VINCI Construction France donc comme tu l’auras compris, je suis au service de nombreuses personnes au travers de ces différents projets. Je peux m’appuyer en permanence sur 5 personnes dans la Direction déléguée Ouest pour aider les différentes équipes projet en supplément des moyens BIM affectés à l’opération.
Le BIM, on le sait tous, est un processus, cependant, sur quelles solutions logicielles se sont portés vos choix stratégiques ?
Les solutions Autodesk font partie des outils que nous utilisons.
Peux-tu nous expliquer en quelques mots ta vision de la collaboration dont on parle tant autour du BIM ? Et où vous en êtes ? Niveau 2, 3 ?
On parle des différents niveaux d’adoption du BIM. Le niveau 1 c’est le BIM pour un usage exclusif : par exemple, un bureau d’étude structure, une agence d’architecte qui utilisent des outils BIM pour leur usage interne, sans échange avec un autre corps de métier.
Le niveau 2 correspond à un processus de travail basé sur de l’échange asynchrone de données. Chaque entreprise impliquée gère ses propres modèles qui ne contiennent que les éléments sur lesquels elle intervient. Les autres maquettes sont utilisées en références. Lorsque plusieurs logiciels différents sont utilisés, on travaille avec un ou des fichiers d’échanges basés sur la norme IFC et l’on parle alors d’openBIM.
Le niveau 3 correspondrait à une collaboration totale, avec les problèmes de responsabilité que cela engendre. Techniquement, cela s’appuierait sur un serveur partagé et donc centralisé de données qui devrait suivre la norme IFC et permettre à tous les utilisateurs de travailler simultanément sur un même modèle partagé. Il faudrait donc que chaque logiciel sache se synchroniser avec l’IFC sur la plateforme tout en lisant en continu le contenu fourni par les autres utilisateurs sur leurs solutions métier dans le respect des règles d'accès et responsabilité… Pour des raisons de sureté, on devrait pouvoir choisir la localisation et le mode de gestion des serveurs assurant l’hébergement des maquettes.
Mais le niveau 3 n’est pas encore viable ni réaliste aujourd'hui. Nous en sommes au niveau 2 : un échange asynchrone sur un serveur commun avec accès cloud et un suivi des modifications et c'est déjà une révolution en terme de management de projet.
Sur quels projets sympas, d’envergure ou pas, as-tu travaillé depuis ton arrivée ?
Le couvent des Jacobins, le siège du Crédit Agricole du Mans, la construction du laboratoire d’Eurofins et la tour ZNS de Rennes.
Quelles ont été tes grandes émotions ? Positives et négatives en BIM ?
Une grande fierté : une solution de chaînage métré automatisée que j’avais développée pour un constructeur, encore utilisée aujourd’hui avec son gabarit
Une grande frustration : passer d’un logiciel BIM à l’autre, ils ont tous leurs avantages et leurs inconvénients
Un challenge : le démarrage d’une thèse, avec le soutien d’Alain, mon responsable.
Utilises-tu souvent Revit et qu’en penses-tu ? Est-il unique selon toi ?
Je l’utilise souvent, je pense que c’est un bon logiciel, assorti de Dynamo, certains plugin de l'Appstore et de l'API. Il y a principalement 4 logiciels BIM utilisés en France et j’aurais tendance à dire que chacun est bon, mais qu’aucun n’est bon pour chaque partie prenante de l'acte de construire.
Quid de la stratégie nationale BIM de VINCI Construction France ? Appliquez-vous la même au niveau local ?
Notre stratégie nationale de BIM qui s'appuie sur la BlueBIMToolbox s’inscrit dans le cadre de la digitalisation de l’entreprise. Nous avons des lignes directrices partagées au niveau local et qui laissent suffisamment de liberté pour que chaque relai local puisse s’épanouir et enrichir la trame avec les compétences qu’il souhaite déployer.
Nous fonctionnons en réseau entre les régions via l'animation de notre siège afin de partager nos méthodes, contenus et idées ainsi que contribuer à l'amélioration des outils internes.
Peux-tu stp nous parler brièvement de la « magique » Blue BIM Toolbox ?
La Blue BIM Toolbox est un ensemble de gabarits de projet (par spécialité) et certains plugins et une convention BIM mis à disposition des partenaires qui souhaitent se lancer dans une démarche BIM et qui n’auraient pas de gabarits, bibliothèques et/ou méthodes de travail.
Sans cette Blue BIM Toolbox, des partenaires débutants dans le BIM ne saurait conduire le projet sans perdre beaucoup de temps et d'énergie.
Elle est notre base de travail, nous l'adaptons le cas échéant au contexte du projet et aux besoins de certains métiers.
Tu es Bretonne et tu le revendiques haut et fort. As-tu noté une prédisposition des Bretons au BIM et une certaine maîtrise sans vouloir paraître trop chauvin 😉 ? Si oui, comment l’expliques-tu ?
Beurre, biniou et brezhoneg ?
Qui sont tes « Idoles » ou « Modèles » du BIM en France et dans le Monde ? En quoi t’impressionnent-ils ou elles ?
Charles M.Eastman, pour porter le BIM jusqu’à l’étude des risques.
Quel serait selon toi la récompense ultime de ton travail ? Un BIM d’argent ou un BIM d’or ? Une tribune lors d’un grand séminaire dans un pays anglo-saxon ?
La récompense ultime de mon travail se trouve dans les yeux de mes collègues, dans le partage et la fierté d’un projet réalisé mais un BIM d’Or ou un Top Paper Award, ça peut surement aider.
En tant que Wonder Woman du BIM, continues-tu à créer des bâtiments ou es-tu purement dans le BIM ? Si oui, cela te manque-t-il ?
Pure création ? Je laisse mon imagination et le cursus archi sur des projets personnels. Je ne peux pas dire que cela me manque, je ne l’ai jamais pratiqué dans ma vie professionnelle et il y a tant de possibilités avec le BIM…
T’impliques-tu au niveau local en donnant des cours ou en coachant de jeunes gens voulant passer au BIM ?
Oui, je sensibilise les jeunes au BIM à l’ENSAN, l’ESITC, l’IUT de St Nazaire, l’école Centrale de Nantes, les Arts et Métiers d’Angers… Ces jeunes seront très vite sur le marché du travail, je pense qu’il est important de leur présenter ce changement au-delà du simple usage des logiciels et il n’est pas toujours facile pour un enseignant d’avoir eu cette expérience à partager. C’est là que l’entreprise peut compléter l’enseignement.
Lis-tu de temps en temps ABCD Blog ? Que penses-tu que l’on devrait améliorer ?
Je le lis de temps en temps, je pense qu’il serait intéressant que tu ordonne les thèmes sous des onglets avec l’archivage des billets.
Anne-Solène, encore merci pour cette belle interview qui nous a permis d’en savoir un peu plus sur toi, et c’était attendu ! Bonne route sur les chemins du succès du BIM à toi et à VINCI Construction France.
Bravo//// Des idees claires Un parcours exceptionnel et une grande lucidite dans l analyse de la methode BIM J ai demarre ma carriere professionnelle chez DUMEZ VINCI reflete egalement cette capacite a evoluer avec l utilisation des derniers outils mais au service de la qualite architecturale