Interview BIM Managers – Episode #21 Tony Bodelot, Coordinateur Département BIM Tools chez VEOLIA Water Technologies

Nous recevons cette semaine la société VEOLIA Water Technologies, spécialiste du traitement des eaux sous toutes ses formes. Sans son leadership et ses technologies d’épuration innovantes, notre environnement serait confronté à de grands problèmes. Ils nous permettent donc de vivre dans un monde meilleur, ici, et partout ailleurs.
Chose exceptionnelle, on n’imagine pas un seul instant que le BIM puisse être appliqué dans ce secteur. C’est pourtant le cas et c’est ce que Tony Bodelot va nous révéler lors de cette interview.

Tony Bodelot
Tél. : +33 1 45 11 11 11
OTV – VEOLIA : tony.bodelot@veolia.com
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Bonjour Tony, ravi de vous recevoir sur ABCD Blog. Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous dire quel est votre rôle au sein de VEOLIA Water ?
Bonjour Emmanuel, tout d’abord je tiens à vous remercier de m’accorder cette interview pour exprimer ma vision du BIM dans les activités de Design & Build d’OTV – VWT (VEOLIA Water Technologies). Je fais partie de la Direction Ingénierie d’OTV FBS (France-Belgique-Suisse) où j’assure le poste de Coordinateur du Département BIM & CAD Tools. Je reporte à la DI FBS et aussi auprès de la DI VWT Europe-Afrique pour laquelle j’ai un rôle de point de contact.

Quel a été votre parcours auparavant et les nouvelles technologies vous ont-elles toujours passionné ?
J’ai démarré ma carrière en 1983, en qualité de dessinateur industriel. Puis j’ai évolué en Bureau d’Etudes dans différents domaines : mécanique générale, plasturgie, électronique. A l’époque, on modélisait déjà en 3D et sous Unix…En 1992, j’ai intégré le bureau d’études d’OTV et j’ai découvert le monde de l’ingénierie du traitement d’eau.
Autant intéressé par les process que par le métier d’installeur, je me suis orienté rapidement vers les outils CAO de modélisation et P&ID (Piping & Instrumentation Diagram).
Les logiciels ont évolué et gagné en fiabilité ainsi qu’en performances. Si bien qu’au sein même de l’entreprise, prétendre au tout numérique était une prise de risques. Maintenant, cela devient un état de fait, et à terme cela deviendra une seconde nature.

D’ailleurs, pouvez-vous nous présenter en quelques mots cette société leader, son histoire, ses chiffres clés et ses domaines d’intervention ?
VEOLIA c’est un effectif de 163 000 collaborateurs répartis sur les cinq continents. Cela représente trois pôles d’activités : eau, propreté et énergie, pour un CA de 25 milliards d’euros dont 44% pour VEOLIA Eau. Sur les marchés municipaux et industriels, VEOLIA Water Technologies représente 9200 collaborateurs dont 1900 en France.

Sur quelles typologies de projets, vous et votre équipe travaillez-vous ?
Notre périmètre concerne l’installation générale d’usine qui comprend la conception, la construction et la mise en route. Nos projets englobent à la fois :
o la partie Génie-Civil et les corps d’états secondaires : structures métalliques, huisseries, dispositifs de manutention,
o les équipements : pompage, tuyauterie et robinetterie industrielle,
o CVC et EAI

Quand et comment le BIM a-t-il commencé à faire ses débuts chez VEOLIA ?
L’histoire du BIM a réellement pris son essor dans l’entreprise en 2014 lors d’une réponse à appel d’offre pour une opération au Moyen-Orient.
C’était une belle entrée en matière pour nous car le cahier des charges BIM du Maître d’œuvre était très exigeant et nous avons dû nous organiser pour cadrer avec ce marché de grande ampleur.
A partir de 2016, nous avons investigué sur le choix des outils CAO appropriés à notre activité majeure et répondant aux fonctionnalités nécessaires du processus BIM. Notre choix s’est porté vers Revit et Navisworks et la mise en application a coïncidé avec le démarrage d’une opération importante en BIM dans l’ouest parisien pour laquelle nous avons déployé et formé à Revit une équipe de dessinateurs-projeteurs, et à Navisworks les Chefs de Groupe et Ingénieurs d’Etudes en bénéficiant du support et de l’accompagnement d’Autodesk.

Pourquoi le BIM ? Quels avantages évidents y avez-vous vu et quelles sont les progressions ?
Le BIM trouve son intérêt chez OTV – VEOLIA d’abord pour répondre aux appels d’offres contenant un CCAP BIM mais aussi et surtout maintenant, pour se conformer à la méthodologie déployée dans l’entreprise qui correspond aux processus BIM tels que le collaboratif, les workflows de coordination, de validation, etc.
L’utilisation d’une plateforme de collaboration nous permet de centraliser les configurations d’outils, les gabarits, familles paramétriques et de partager avec la communauté d’utilisateurs basés en région.
La finalité sera d’héberger nos configurations via le Cloud et d’accéder à nos outils en mode SaaS.

Comment l’implémentation s’est-elle passée ? Cela a-t-il été difficile ?
Nous avons établi un plan d’action pour le déploiement des outils à Paris puis en région comprenant :
o La formation des utilisateurs,
o Le déploiement des outils, des méthodologies et des configurations,
o Le support et l’accompagnement des utilisateurs via un Team Drive,
o Ressourcé des Référents CAO pour chaque site en région.
L’implémentation n’a pas été simple, dans le sens où la plupart des utilisateurs utilisait d’autres outils depuis longtemps et ils avaient acquis une excellente dextérité que le rythme des affaires ne leur permettait pas de perdre avec de nouveaux outils à maitriser. Pour autant et la motivation aidant, la mise en route s’est faite assez rapidement et au fur et à mesure du démarrage de nouveaux projets ce qui a rendu la tâche plus facile pour mon équipe et moi-même.

D’ailleurs, quelle est la technologie centrale BIM que vous utilisez et pourquoi ?
Nous utilisons essentiellement Autodesk Revit pour la modélisation 3D. Ce choix et les raisons sont multiples. Tout d’abord, c’est à mon sens l’outil approprié pour notre secteur d’activité et que l’on a pu facilement adapter pour répondre à nos besoins spécifiques métier.
Ensuite, parce que c’est l’outil le plus couramment utilisé par nos partenaires génie-civil. Et pour finir, Revit est orienté collaboratif et openBIM, ce qui n’est pas négligeable pour une ingénierie autour de laquelle gravitent un nombre important d’intervenants.

Combien y-a-t-il de personnes dans votre Equipe et comment êtes-vous organisés ?
Le Département BIM est constitué d’une équipe sur Paris et de BIM Référents en région. L’équipe parisienne représente 6 personnes : BIM manager et BIM coordinateurs, auxquels s’ajoutent des BIM modeleurs faisant partie du Bureau d’Etudes.
En région (4) nous avons 1 BIM Référent par site qui assure un rôle de BIM Coordinateur par affaire.
En phase d’appel d’offre, l’équipe de Paris analyse les DCE et CCAP BIM de façon à rédiger la convention BIM et coordonner les partenaires génie-civil et Architecte.
En phase projet, les référents en région assurent un rôle de BIM Coordinateur métier pour la partie Process. Dans le cas où nous sommes mandataires du Groupement d’Entreprises, un BIM Manager de Paris assure le rôle de BIM Manager Groupement vis-à-vis de l’AMO BIM du Projet. Ce qui est le cas le plus fréquent dans les marchés publics.

Quels types de documents ou de modèles BIM produisez-vous ? Est-ce uniquement pour la phase de conception, ou bien plus encore ?
Nous modélisons en 3D les équipements et les enveloppes des structures métalliques et béton des ouvrages techniques et/ou hydrauliques dans le but de produire les livrables 2D issus des maquettes numériques tels que les plans d’installations, les plans guide GC, plans de détails, isométries et nomenclatures. La modélisation équipements comprend l’installation des appareils electromécaniques, du CVC, de l’Elec et de tous les éléments du lot Process. Quant à la modélisation des enveloppes des structures, elle permettra à l’entreprise de GC de modéliser sa maquette numérique et de produire ses plans de coffrage.
Nous couvrons la phase de conception : basique et detailed design et nous assurons la continuité d’évolutions des modèles pendant la phase de construction et jusqu’à fournir au Client l’agrégation des maquettes numériques en phase DOE.

Quels sont les projets phares sur lesquels le BIM a été un succès ?
Incontestablement le projet de l’ouest parisien qui est une opération de grande ampleur et pour lequel le BIM remporte un franc succès et une adhésion de notre Client. Les projets en cours sont dans la même veine et on peut imaginer qu’à terme ils feront partie de nos plus belles références.

On imagine peu des architectes sur des stations de traitements des eaux ou de désalinisation ou autre. Et pourtant… Avec quelles agences travaillez-vous ?
Sur la région parisienne, nous travaillons avec des cabinets d’Architectes qui se sont spécialisés dans notre secteur d’activité tels que : LWA (Luc Weizmann Architecte) et ALH (Alain Le Houedec).
Sur les grands Projets des marchés publics municipaux, nous avons systématiquement un Groupement d’Entreprises constitué d’un Architecte, un Génie-Civiliste et un Traiteur d’eau.

Comment travaillez-vous justement concrètement en BIM sur ce type d’ouvrage et est-ce du BIM niveau 2 ou 3 ?
Généralement, c’est du BIM niveau 2. Et c’est le plus souvent ce mode de collaboration qui est imposé par nos Clients. Chaque partenaire modélise sa maquette métier qui est préalablement géoréférencée via une maquette site.
Ensuite, nous faisons l’agrégation des maquettes métier pour les revues de coordination, détections et rapports de clashs.

Nous nous sommes laissé dire que vous utilisez BIM 360 Design, ce qui est exceptionnel. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?
Effectivement, nous démarrons un projet en Normandie pour lequel nous sommes Mandataire du Groupement d’Entreprises et BIM Manager. Avec l’assistance d’Autodesk, nous mettons en place BIM360 Design et Docs sur ce Projet pilote. Dans un 1er temps nous utilisons les différentes fonctionnalités de plateforme collaborative, revues, coordination, revisioning, etc. qu’offre BIM 360 Design et Docs.
L’objectif à terme sera de proposer BIM360 pour nos projets à nos partenaires et nos Clients et d’utiliser BIM360 pour la phase travaux avec Build pour le suivi de chantier, levée de réserves, etc.

Vous travaillez à la frontière entre BIM et Industrie et récupérez des modèles mécaniques. Pourriez-vous nous dire à quelle fréquence et comment ? Et en quoi les solutions Autodesk sont-elles un avantage pour vous ?
Il y a 2 aspects dans cette démarche car nous intégrons les unités process de nos filiales européennes sous la forme de packages ou de skids. L’intérêt pour nous c’est l’interopérabilité des solutions Autodesk. Nos filiales utilisent Inventor, Plant 3D, AutoCAD et nous arrivons à échanger aisément.
Concernant les objets provenant des fournisseurs d’équipements, la difficulté concerne le format originel et ce que l’on récupère au final. La plupart du temps, les objets sont modélisé avec Solidworks, Sketchup ou autre et exportés en Step, SAT voir RVT (Revit). On observe alors des défauts de comportement à l’utilisation dans Revit car la source de l’objet a été dénaturée par l’export de format.
Les points d’améliorations se situent aussi autour des niveaux de détail graphique et d’information des objets. Vaste sujet…

Pourriez-vous nous relater votre plus belle expérience et aussi le plus mauvais souvenir ?
A titre personnel, c’est ma 1ère visite au BIM World et tout cet écosystème qui m’a conforté dans mes convictions et dans mon orientation professionnelle.
Je n’ai pas foncièrement de mauvais souvenir.

Utilisez-vous déjà la RV et RA et à quelles fins ? Et sur quelles technologies ?
Nous utilisons du matériel d’immersion virtuelle : lunettes HTC et logiciel Enscape notamment pour encapsuler la maquette numérique via le Cloud. Cela nous a servi principalement pour des présentations de Projet en RV à nos Clients et à la Direction VWT. L’immersion, la communication étant des cas d’usages récurrents dans les CCAP BIM de notre secteur d’activité, nous sommes à même de répondre aux exigences du Client.
On commence à toucher du bout des doigts la RV interactive avec des outils comme 3ds Max Interactive dont l’intérêt majeur concernera la manutention, les zones de circulation. Jusqu’à présent, nous rédigeons des carnets de cinématique. A terme, la vidéo pourrait remplacer ce travail de rédaction fastidieux.
En ce qui concerne la RA, nous faisons partie d’un Groupe de Travail GT AR/VR interne à VEOLIA dans lequel participent le centre de recherche VERI, la SADE, le VEDIF, le Digital LAB, Aquavista. Toutes les entités du Groupe intéressées de près ou de loin par l’AR/VR.

Est-ce que le format IFC et l’openBIM sont importants pour vous ? Et comment cela se passe-t-il ?
Le format IFC est important pour nous en ce sens que c’est LE format de livrable systématiquement exigé par les AMO BIM, en plus du fichier source (natif), bien entendu. De plus, nous utilisons l’IFC pour les agrégations MN lorsque nos partenaires n’utilisent pas le même soft que nous. Les entreprises de GC utilisent aussi bien Civil 3D, Mensura que Revit. Idem pour les Architectes qui utilisent des logiciels spécifiques. Le point de rencontre incontournable c’est le format IFC.

Faites-vous de la simulation sur la base des maquettes BIM, de la CFD ou toute autre approche innovante ?
Nous ne faisons pas de modèle analytique car ce n’est pas notre cœur de métier. Lorsque nous avons besoin de simuler des phénomènes hydrauliques et de valider nos études sur ces complexités, nous faisons appel à des Entreprises spécialisées. Dans ce cas, nous fournissons une « maquette hydraulique », c’est-à-dire une modélisation 3D qui ne comporte pas de fuite. On s’attache à ce que tous les objets de structure par exemple, soient bien connectés.
C’est idem pour les calculs de stress des tuyauteries, nous fournissons notre modèle numérique. Nous faisons quelques approches de calculs pour les réseaux de gaines avec nos spécialistes CVC en interne.

Vous avez un leadership évident dans votre domaine. Quelle impression cela fait-il et cela vous pousse-t-il à aller encore plus loin ?
Ce leadership peut paraitre évident et il s’accompagne d’une remise en cause constante. Le déploiement du BIM en est l’un des objectifs pour lequel mon équipe assure une veille technologique et un maintien en performance primordiale pour être compétitif.

Quels sont vos projets pour le futur ? Et votre département BIM va-t-il encore s’agrandir ?
A court terme, ce sera le tout numérique au sein de notre Ingénierie : modélisation 3D informée, collaboration en plateforme et workflow.
A moyen terme, ce sera la transition du BIM informé vers le BIM connecté et ainsi assurer la continuité vers l’exploitation-maintenance.
Les ressources du Département BIM sont en progression constante et l’aventure ne fait que commencer…

Tony, merci beaucoup pour cette interview passionnante et inédite. Nous sommes certains que nos lecteurs vont être agréablement surpris. Nous vous souhaitons une très belle route vers le BIM durable.

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