Cette semaine, après plusieurs mois de pause de nos Interviews BIM Managers, nous avons le plaisir d’accueillir une jeune Femme ingénieur et BIM Manager et plus encore – Marjorie Janin – qui travaille pour une belle PME française, CAD@Work qui malgré son nom, fait bel et bien partie des grands experts du BIM en France. Marjorie a un parcours très intéressant et nous sommes ravis de la recevoir aussi car elle vient renforcer la parole des ingénieurs dans ce domaine très prisé des Architectes.
Bonjour Marjorie et ravi de te recevoir sur ABCD Blog. Pourrais-tu stp te présenter en quelques mots et nous dire depuis combien de temps tu officies chez CAD@Work ?
Bonjour à tous, Marjorie JANIN, 30 ans, je suis ingénieure en Génie Civil de formation. J’exerce le métier de BIM Manager et d’AMO BIM chez CAD@Work depuis maintenant trois ans.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas CAD@Work, qui êtes-vous, où êtes-vous et que faites-vous ? Pourrais-tu stp aussi nous raconter votre histoire et votre progression ces dernières années ?
Tout d’abord qui nous sommes (pour ceux qui ne connaîtraient pas CAD@Work 😊) : C’est un groupe constitué de quatre sociétés : CAD@WORK Holding (siège à Grenoble qui assure la gestion du groupe), CAD@WORK Design (bureaux à Lyon et Paris) qui réalise du consulting et des prestations de type BIM management et modélisation, CAD@WORK Learning (bureaux à Lyon et Paris) qui assure la distribution de logiciels BIM et commercialise les formations associées et enfin CAD@WORK Swiss (bureaux à Genève) qui réalise du consulting et des prestations de type BIM management et modélisation pour la Suisse.
Que faisons-nous ? CAD@Work est spécialisée dans le service et le conseil autour du BIM, que ce soit sur des projets où nous intervenons en tant qu’AMO BIM, BIM Manager ou Coordinateur BIM ou en tant que soutien et accompagnement stratégique au déploiement du BIM au sein de bureaux d’études, d’entreprises de construction ou d’agences d’architecture. Notre objectif premier est la mise en œuvre et le déploiement de processus BIM. Convaincre, expliquer et accompagner ces divers acteurs afin de les rendre autonomes sont nos objectifs au quotidien. Nous avons tout particulièrement à cœur la qualité du service rendu à nos clients, qu’ils soient maîtres d’ouvrages, architectes, bureaux d’études ou entreprises.
Notre histoire et notre progression : Lancée en 2013 par Stéphane Dussol, Pierre Buttion et Vincent Bleyenheuft, CAD@Work réalisait 100% de son chiffre d’affaires dans la vente de logiciels et de formations à destination des architectes. En à peine deux ans, CAD@Work a fidélisé plus de trois cents clients sur un secteur géographique qui comprend Aix/Marseille, Grenoble, Lyon, Dijon et Paris/Région Parisienne.
En 2015, le BIM a pris de l’ampleur, les grands groupes se sont emparés du sujet et le pôle BIM consulting, mené par Vincent Bleyenheuft a pris son envol. De nouveaux clients ont intégré notre écosystème ; les entreprises de construction, les maîtres d’ouvrages publics et privés, les industriels et bureaux d’études, ainsi que d’autres éditeurs de plateformes BIM.
En parallèle, la vente de licences et de formations a progressé, portée par la dynamique du BIM.
CAD@Work a donc embauché, étoffé ses ressources et compétences pour répondre aux demandes croissantes des bureaux d’études, des économistes et des entreprises. Depuis 2015, la croissance de CAD@Work a porté ses ressources de trois associés à une équipe pluridisciplinaire composée de huit salariés (architectes et/ou ingénieurs dont je fus la première).
Notre chiffre d’affaires consolidé est en progression constante, malgré la délicate période de la Covid qui aura impacté notre croissance de 2020, sans la stopper : 944 000 € (2020), 926 000 € (2019), 800 000 € (2018), 632 000 € (2017), 624 000 € (2016), 435 000 € (2015), 348 000 € (2014).
Ton parcours va passionner nos lectrices et lecteurs. Quelles études as-tu fait et t’intéressais déjà tu au numérique et peut-être au BIM ? T’était-il enseigné d’ailleurs ?
Je suis diplômée, depuis 2015, d’une école d’ingénieurs en Génie Civil – L’Ecole Nationale des Ingénieurs de Saint-Etienne. A ce moment-là, le BIM n’était pas encore enseigné. On avait d’ailleurs que très peu de réponses à m’apporter sur le sujet. J’ai commencé à m’y intéresser en 2014, à la suite de plusieurs lectures dans la revue hebdomadaire de référence : Le Moniteur. En 2015, j’ai proposé à mon tuteur de stage ENISE un sujet de projet de fin d’études sur le BIM, ce qui représentait très peu de sujets de PFE à l’époque.
Etant ingénieure et adorant le métier d’architecte, je n’ai jamais réellement compris cette « électricité statique » qui existe entre ces deux métiers. « Animosité » qui se ressent déjà en école, même si elle reste sympathique 😉.
J’ai donc voulu coupler mon envie d’explorer le sujet du BIM avec la découverte du fonctionnement d’une agence d’architectes. J’avais donc trouvé mon sujet : « Implémenter le BIM au sein d’une agence d’architecture ».
J’ai alors développé ce sujet au sein de l’agence Atelier Des Vergers à Saint-Etienne. L’agence modélisait avec un logiciel BIM et souhaitait mettre en place des processus d’échanges avec leurs bureaux d’études partenaires (Revit) et leur thermicien. Il faut dire qu’en 2014-2015 le format IFC était loin d’être aussi stable qu’aujourd’hui… mais ce fut passionnant et très enrichissant !
Avant d’arriver chez CAD@Work, quel a été ton parcours ? Ta première mission BIM d’ampleur est d’ailleurs mémorable et unique je crois ?
A la suite de mes études et notamment de mon PFE, j’ai souhaité poursuive dans le domaine du BIM parce que j’y ai trouvé de l’échange, de l’innovation, du management, de la communication et du challenge… ce que je n’avais pas forcément perçu lors de mes précédents stages en tant qu’ingénieure structure ; même si je dois avouer que j’adorais faire du calcul de structure.
A la suite de quoi, j’ai mis à jour mon CV et ma lettre de motivation (je me souviens avoir passé des journées à la peaufiner pour être convaincante). J’ai ensuite postulé sous forme de candidatures spontanées dans diverses entreprises grâce au réseau mis à disposition par mon école.
Je pensais n’avoir que peu de retours étant donné que je n’avais pas d’expérience BIM réelle et que je n’avais pas suivi une vraie formation dans ce domaine (à noter qu’à l’époque il n’y avait aucune formation BIM en France) mais je me suis dit « qui ne tente rien n’a rien, alors fonce ».
J’ai finalement eu de nombreux retours et j’ai eu la chance d’être embauchée chez AIA Life Designers Ingénierie Lyon en tant que BIM Manager Chantier sur un des projets emblématiques de Renzo Piano Building Workshop, le projet de l’Ecole Normale Supérieure de Saclay (un des premiers projets BIM en phase exécution). J’étais rattachée à la cellule de coordination technique et spatiale d’exécution (ou synthèse d’exécution) du projet. J’ai beaucoup appris et j’ai adoré travailler sur ce projet. Je remercie d’ailleurs tous mes collègues d’AIA Life Designers avec qui j’ai travaillé car j’en garde d’excellents souvenirs.
J’ai ensuite choisi de partir vers de nouveaux horizons chez CAD@Work Lyon afin de me diversifier et d’aborder plus de domaines. J’exerce les postes d’AMO BIM et de BIM Manager depuis maintenant trois ans et je participe au développement de CAD@Work SWISS installée à Genève depuis mars de cette année. Je suis aussi formatrice sur les sujets de l’IFC et du BIM Management lorsque mon emploi du temps me le permet.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de rejoindre CAD@Work ?
Je sais qu’habituellement on cherche souvent à se faire embaucher au sein d’une grande entreprise (avec comité d’entreprise, salle de sport, piscine et j’en passe… 😉). A ce moment-là, j’avais envie de travailler au sein d’une société à taille humaine avec une hiérarchie moins pyramidale et plus accessible.
Je suis une personne très appliquée et impliquée dans mon travail, j’aime donner mon avis (et j’aime encore plus quand il est pris en considération 😊). Je souhaitais donc trouver une société dans laquelle je pourrais me sentir plus concernée avec une marge de progression rapide. CAD@Work a su répondu à mes attentes.
Quels sont les typologies de Clients et de projets que vous adressez ? Est-ce plus orienté architecture, ingénierie, construction, ou maîtrise d’ouvrage ?
De 95 % d’architectes en 2015, nous travaillons aujourd’hui à plus de 50% de notre chiffre d’affaires avec de grandes entreprises telles que BOUYGUES CONSTRUCTION, BOUYGUES IMMOBILIER, EGIS, VINCI, les banques…
Nous avons été agréablement surpris par l’arrivée d’une nouvelle typologie de clientèle : les éditeurs de solutions de GMAO et de plateformes Cloud dédiées à la gestion de projets BIM. Ces professionnels nous sollicitent régulièrement pour leur apporter du conseil ainsi que des formations aux outils BIM, à la structure et à l’exploitation de l’IFC.
Comment t’es-tu formée à ce métier de BIM Manager ?
Clairement sur le terrain.
En école d’ingénieur, on nous répète constamment « qu’on nous apprend à apprendre », qu’être ingénieur c’est trouver des solutions et comprendre facilement des problématiques qui touchent des domaines dont nous n’avions pas connaissance jusqu’alors. En plus de cette compréhension et digestion d’informations, l’ingénieur doit savoir diriger, organiser, manager, contrôler… et parfois même vendre. De ce fait, il doit être polyvalent, savoir s’adapter et développer des connaissances scientifiques et techniques dans de nombreux domaines. J’ai vraiment compris tout cela quand j’ai commencé à travailler dans le BIM et que je me suis retrouvée seule face à des problématiques inconnues. Et c’est d’ailleurs ce qui me plaît dans ce métier : chaque projet est différent, les besoins et les usages BIM sont différents également, il faut souvent penser et mettre en œuvre de nouveaux processus.
Quel est ton rôle précis au quotidien ? Es-tu BIM Manager ou est-ce un ensemble de missions / rôles dont tu as la responsabilité ?
Au sein de CAD@Work le rôle que j’exerce au quotidien est celui de BIM Manager et d’AMO BIM sur nos projets stratégiques.
Ma mission en tant que BIM Manager dépend vraiment du projet, des besoins du client, de nos conseils et de ce que l’on construit avec lui (quand il n’a pas une mission figée en tête).
Il y a des spécificités dans toutes les missions de BIM Management que je suis. Ce n’est jamais la même mission même s’il y a bien entendu une ligne directrice commune.
En effet, peu importe le projet et les besoins, le BIM manager reste le chef d’orchestre du processus BIM. Pour cela, il mène une réflexion stratégique avec le client pour définir les usages BIM du projet par phase. Il rédige les cahiers des charges BIM pour consulter les différents intervenants selon les phases du projet (Architectes, BE, Entreprises…). Il analyse les retours des offres BIM qu’il évalue et auditionne les différents candidats sur le volet BIM.
Il organise l’échange des données et pilote les méthodes et processus mis en œuvre en concertation avec les différents acteurs pour garantir le bon déroulé du BIM sur le projet. La mission du BIM Manager réside donc principalement dans l’organisation et la direction des méthodes et processus BIM tout au long du projet. Il ne participe pas à la modélisation du projet à proprement parlé mais il en fixe les règles. C’est souvent lui qui conseille et pense la stratégie de déploiement et d’utilisation des diverses plateformes numériques qui seront mises en œuvre sur le projet.
Il peut avoir aussi un rôle beaucoup plus opérationnel que l’on peut parfois assimiler à celui d’un coordinateur BIM global (en Suisse notamment) dans le sens où il va coordonner et contrôler les maquettes numériques du projet. Il fait appliquer les méthodes et principes fixés à l’équipe projet.
En plus du rôle décrit ci-dessus, j’ai les missions suivantes au sein de CAD@Work :
- Gestion de CAD@Work SWISS avec Vincent Bleyenheuft
- Réponse en duo aux offres/candidatures suisses que nous recevons
Est-ce dur d’être BIM Manager selon toi ? Et quelles sont les qualités essentielles du rôle ?
Si c’était facile, ce ne serait pas aussi amusant… 😊 Un BIM manager doit avoir, en plus de ses compétences bâtiments et techniques évidentes, des qualités humaines que sont le leadership, l’accompagnement et la pédagogie. Il est la locomotive qui permet à l’équipe d’avancer dans la même direction. En effet, le BIM est un secteur nouveau pour beaucoup d’intervenants et avancer vers l’inconnu est naturellement angoissant pour nombre de personnes ou de sociétés. Nous sommes là pour les accompagner, les rassurer et apporter notre expertise.
Au sein du groupe CAD@Work nous considérons que dans « BIM Management » il y a bien entendu le mot BIM – Building Information Modeling, c’est-à-dire le processus de collaboration autour de la maquette BIM – mais aussi et surtout Management. C’est une part de notre métier qui est bien trop souvent oubliée au profit de la technique « purement logiciels ». Le BIM Manager a bien entendu une sensibilité aux technologies, on le qualifie parfois de « geek », mais c’est avant tout un véritable manager d’équipe.
Contrairement à beaucoup d’idées reçues, le BIM Manager ne produit pas de maquettes BIM et ce n’est pas lui qui modélise le jumeau virtuel de l’ouvrage. La réussite du BIM est donc dépendante du travail de l’équipe BIM dans sa globalité (les mandataires, les bureaux d’études et l’ensemble des intervenants du projet). C’est pourquoi le BIM Manager doit se mettre au service du maître d’ouvrage et de l’équipe projet, et non s’inscrire dans un rapport de force qui consisterait à imposer ses choix sans discussion possible.
Je finirais par une qualité qui est pour moi l’une des plus importantes : il doit être visionnaire. Le BIM et son écosystème sont en constante évolution ; ce que l’on pensait impossible il y a trois ans le devient rapidement et parfois, ce que l’on pensait être l’avenir est obsolète en un rien de temps. Il faut être à l’écoute du secteur, anticiper, et prévoir l’imprévisible 😊.
Je pose souvent cette question mais les Femmes BIM Manager ne sont pas suffisamment représentées. Est-ce dur d’être une Femme BIM Manager ou les choses évoluent-elles dans ce milieu ?
C’est une question que l’on me pose régulièrement. Le monde du bâtiment étant majoritairement masculin, les femmes sont en effet en minorité et il nous faut donc nous imposer. Mais il y a de nombreux autres secteurs pour lesquels c’est aussi le cas.
Après, que l’on soit un homme ou une femme, à partir du moment où les compétences sont là, l’équipe vous fait confiance.
Personnellement, je pense que les femmes apportent, dans leurs explications et leur façon de manager, plus de douceur et de pédagogie naturelles ; « une main de fer dans un gant de velours » en quelque sorte. Je m’arrêterai là sur ce sujet au risque de vexer la gente masculine 😉
Tu as aussi une mission stratégique autour des conventions, chartes et autres documents clés nécessaires à la réussite d’un projet BIM ?
Tout à fait. Vincent et moi-même sommes responsables de ce volet chez CAD@Work. Volet rédactionnel qui n’est pas toujours simple mais qui est très stimulant car il faut souvent inventer, penser et créer des documents qui répondent aux besoins du projet. Même s’il y a une trame commune, les documents ne sont jamais les mêmes, il y a toujours des spécificités.
Grosso modo, les documents contractuels BIM dont j’ai la charge sur un projet sont :
- AMO BIM : selon les missions, nous pouvons avoir à notre charge la rédaction de la charte BIM d’un maître d’ouvrage qu’il pourra déployer sur tous ses futurs projets BIM,
- BIM management : les cahiers des charges d’appel d’offres qui peuvent être globaux ou individuels pour consulter une maîtrise d’œuvre, des mandataires ou des entreprises selon les phases du projet,
- BIM Management : les cahiers des charges pour consulter des éditeurs de plateformes numériques au sens large du terme (« GED BIM », générateur de passeports matériaux…) et tout cahier des charges dont la technologie de mise en œuvre serait liée au BIM (VR, AR…),
- BIM Management : la convention ou manuel BIM de conception et d’exécution,
- AMO BIM : selon les demandes et missions cela peut même aller jusqu’à la rédaction de la charte BIM exploitation – maintenance du maître d’ouvrage.
Modélises-tu ou pilotes-tu des équipes de BIM modeleurs ?
En tant que BIM Manager, sur les divers projets dont j’ai la charge, oui tout à fait, je pilote les équipes BIM de projet qui sont constituées des responsables BIM ou coordinateurs BIM désignés de chaque entité (ARC, CVSE, STR, MCR…). Selon la taille des projets, ces référents se trouvent aussi, souvent, être les modeleurs BIM du projet.
Non, je ne modélise pas au quotidien, ce n’est pas mon rôle. En revanche, je connais très bien les logiciels du marché ; ce qu’ils peuvent faire et comment ; ce qu’ils ne peuvent pas faire et les alternatives à proposer ; les tables d’export ; la gestion du géoréférencement… J’ai un œil global et méthodologique sur tout cela et c’est ce que je dois apporter à l’équipe projet en tant que BIM Manager.
La mission du BIM Manager n’est pas de faire du support logiciel, même s’il faut avouer que, pour le bon déroulé du projet, nous en faisons forcément. D’autant plus que chez CAD@Work, nous avons la double casquette d’experts sur les logiciels BIM leaders du marché tels que Revit et les autres, ce qui est très apprécié sur nos projets.
D’ailleurs chez vous, êtes-vous organisés par compétences, rôles, etc. ou êtes-vous toutes et tous polyvalent.e.s ?
J’ai été la première salariée de CAD@Work. Le mot-clé lors de mon embauche était « polyvalence » et c’est d’ailleurs ce que je recherchais : me diversifier. En effet, lorsqu’on est embauchée dans une petite structure, il faut forcément être débrouillarde et polyvalente. On ne peut pas dire « j’aime ça », « je n’aime pas ça »… mais cela change avec le temps… 😊.
Aujourd’hui CAD@Work a évolué, nous sommes maintenant cinq salariés, bientôt six, nous avons donc nécessairement eu besoin de nous structurer.
Gères-tu une équipe de plusieurs personnes ?
Au sein des projets dont j’ai la charge, oui, bien entendu, je gère en moyenne une équipe BIM constituée d’environ dix personnes sur des tailles de projets assez classiques.
Sur des projets bien spécifiques et emblématiques, l’équipe BIM à gérer tourne plutôt autour d’une vingtaine ou d’une trentaine de personnes selon les exigences du MO et le nombre de mandats concernés par le BIM sur le projet.
Au sein de CAD@Work, je réalise le suivi, l’encadrement et la formation des nouvelles recrues en duo avec Vincent selon nos disponibilités.
Dans tes missions, tu es aussi Madame IFC et tu formes les professionnels sur ce sujet. Comment cela se passe-t-il et selon toi, les entreprises françaises sont-elles suffisamment compétentes sur l’openBIM ?
Oui tout à fait. Stéphane et Vincent ont découvert simplebim il y a maintenant quelques années ; logiciel qui permet d’éditer des IFC ; ils m’ont demandé de tester le logiciel, de le découvrir, de le décortiquer et de monter un programme de formation.
Lorsque j’ai dispensé mes premières formations simplebim, je me suis rendue compte que les personnes à former ne connaissaient pas la structure d’un IFC. Compliqué donc de former des gens à un logiciel qui permet de modifier un IFC quand on ne sait pas comment le format fonctionne et comment il est structuré. Nous avons donc monté un plan de cours sur le sujet.
En ce qui concerne les compétences openBIM des intervenants, il faut savoir qu’aujourd’hui on voit beaucoup plus de chartes de maîtres d’ouvrages openBIM qu’il y a 5-6 ans. En 2015, par exemple, la plupart des projets étaient full Revit et personne ne voulait travailler avec le format IFC. Aujourd’hui le format s’est stabilisé et a bien évolué. Le niveau de maturité des intervenants reste tout de même limité, mais je pense que le sujet va exploser au cours des mois / années à venir.
Par extension, ce manque de compétences et de connaissances sur ce sujet pointu sont-elles à l’origine de nombreux projets qui ne se passent pas bien ?
Non… souvent lorsqu’un projet BIM ne se passe vraiment pas bien (sauf exception d’une entité vraiment défaillante en BIM) les problèmes sont d’un autre ordre et sont plus globaux : ressources techniques, organisationnelles ou humaines.
Un bon BIM Manager saura toujours aiguiller son équipe ou adapter les exigences BIM du projet. En effet, le BIM Manager doit auditer le niveau de maturité BIM de son équipe afin d’identifier si elle a le niveau demandé pour répondre aux besoins du projet. S’il s’avère que ce n’est pas le cas, c’est son rôle d’alerter le maître d’ouvrage ou l’AMO BIM et de proposer des solutions pour y répondre. Ces solutions peuvent être de proposer des formations sur des points spécifiques ou tout simplement de réévaluer les usages BIM avec le client.
Voyages-tu beaucoup de par la nature de ton rôle et tes missions ? Ou le numérique, notamment en temps de COVID, te facilite-t-il la tâche ? Les voyages te plaisent-ils d’ailleurs ?
Oui, nous sommes forcément amenés à nous déplacer là où nous avons des projets à manager. Nous essayons aujourd’hui de nous structurer par région. Nous avons maintenant une salariée parisienne pour gérer les projets parisiens (ce qui m’évite de venir à Paris ; même si cela se fait très facilement sur la journée).
Je suis aujourd’hui responsable des projets suisses et notamment de la filiale CAD@Work Swiss que nous développons activement. Je suis régulièrement à Genève depuis novembre 2019, date à laquelle nous avons gagné notre premier projet Genevois : la construction du projet Campus Pictet de Rochemont.
Concernant la Covid, nous nous sommes débrouillés et adaptés comme tout le monde afin que la crise sanitaire retarde le moins possible l’avancement des études de nos divers projets. Le mode « visio » demande, malgré ce que l’on pense, beaucoup plus d’énergie pour se faire comprendre et continuer de transmettre une bonne dynamique au groupe. Les discussions et les échanges informels qui facilitent et font grandir la relation de confiance entre les diverses sociétés manquent beaucoup.
Quels sont les beaux projets dont tu t’occupes actuellement ? Peux-tu nous en citer quelques-uns et nous dire l’intérêt qu’ils représentent ?
Je vais forcément vous parler du projet Campus Pictet de Rochemont. D’un point de vue personnel, le projet se distingue par le fait que c’est le premier projet suisse que j’ai la chance de manager en BIM. Je suis d’ailleurs ravie de mettre le pied en Suisse Romande. Et j’espère que de nombreux autres projets nous serons confiés à l’avenir ; c’est en cours et cela se profile bien.
Hormis le fait qu’il m’est très agréable de me baigner plage des Pâquis pendant ma pause midi, le projet CPR est un projet qui se distingue tout d’abord par son programme : un îlot de quatre bâtiments comprenant une tour de 90 mètres sur la commune de Carouge, au cœur du projet Praille-Acacias-Vernets.
Ce qui m’a fortement marquée lorsque j’ai démarré mon travail sur le projet, c’est l’implication et la compréhension du maître d’ouvrage concernant les sujets BIM, ce qui est loin d’être le cas sur nombre d’autres projets. C’est valorisant pour nous de savoir que l’on ne fait pas du BIM pour faire du BIM mais que l’on vise à faciliter réellement l’exploitation et la maintenance d’un maître d’ouvrage qui cherche toujours à améliorer son organisation et ses méthodes pour répondre à ses nouveaux objectifs (les maquettes BIM de leur siège actuel, le bâtiment Acacias 60 réalisé en 2006 avec Revit, sont utilisées actuellement pour le facility management et le space planning).
Le projet se distingue aussi par le nombre de mandataires (une trentaine), le nombre de maquettes BIM à manager (une cinquantaine de fichiers natifs à ce jour), la structure hors-norme de l’équipe BIM, le nombre de cas d’usages BIM innovants, les plateformes numériques mises en œuvre dès le début des phases de conception (Resolving, dRofus, BIM Collaborate Pro, BIMCollab), la recherche constante de l’excellence et du dépassement de soi.
On peut citer comme exemple les cas d’usages liés au smart building avec notamment la volonté de mettre en œuvre un BOS (Building Operating System, c’est-à-dire le système d’exploitation du Smart Building). Le BOS sera lié à la base de données du projet CPR ainsi qu’à de très nombreuses applications métiers et de smart building (gestion des espaces et ressources, gestion des réservations des espaces et services, gestion de la ventilation et de la température, pilotage des stores et des lumières…).
J’ai un second projet emblématique en tête que j’aurais aimé partager avec vous mais c’est confidentiel pour le moment. Peut-être lors d’une prochaine interview 😊.
Dans ton quotidien, quel est le ratio temps entre formation, suivi méthodologique, BIM Management, développement de chartes, etc. ?
Il y a quelque temps, j’étais plutôt sur un ratio 30% formation (BIM Management, IFC, simplebim) et 70% gestion de projet BIM (AMO BIM – BIM Management).
Aujourd’hui, je suis plus sur un 70% gestion de projet BIM, 15% encadrement au sein de CAD@Work, 15% réponses aux offres BIM CAD@Work Swiss et développement de la filiale.
En tant qu’ingénieur, assures-tu aussi en parallèle des missions d’ingénierie structure ?
Non.
Mon métier me passionne mais j’ai aussi beaucoup de loisirs et hobbies pour lesquels j’aime consacrer du temps et dont j’ai d’ailleurs besoin pour me sentir épanouie autant dans ma vie personnelle que professionnelle.
Je pense que nous avons les capacités à faire beaucoup de choses dans la vie mais il faut être conscient que nous n’avons pas le temps de tout faire (surtout si l’on veut rester qualitatif) au risque de devenir des éternels insatisfaits 😊.
D’ailleurs, faites-vous du développement à façon pour vos clients ?
Pas directement au sein de CAD@Work mais on s’associe avec divers partenaires lorsque nous avons des demandes clients qui nécessitent des développements spécifiques.
AMO : Assistant à maîtrise d’ouvrage, BIM : Building Information Modeling, PFE : Projet de Fin d’Etudes, Revit (https://www.autodesk.fr/), simplebim (https://simplebim.fr/), IFC : Industry Foundation Classes, AIA Life Designers : Architectes Ingénieurs Associés, GMAO : Gestion et Maintenance Assistées par Ordinateur, GED : Gestion Electronique de Documents, RV : Réalité Virtuelle, RA : Réalité Augmentée, dRofus (https://www.drofus.com/fr/), Resolving (https://resolving.com/Fr/), CPR : Campus Pictet de Rochemont
Chère Marjorie, nous te remercions sincèrement pour cette passionnante interview. Nous te souhaitons de continuer avec succès et brio ta belle carrière de BIM Management. Bien à toi. Emmanuel