Les futurs jeux d’été de 2024 seront accueillis dans des ensembles immobiliers et équipements conçus à un niveau d’innovation inégalé en BIM. Définitivement, le plus grand projet d’Europe de ce type, au sens propre et figuré !
Aujourd’hui, nous avons le plaisir et l’honneur de recevoir Alexandre Mahfoud, le talentueux et expérimenté BIM Manager de la SOLIDEO, en charge des projets pour les jeux d’été 2024.
BIM Manager – SOLIDEO
PhD. Docteur en Architecture et Aménagement
Tél. : 06.95.12.66.48
C’est un projet gigantesque et d’une complexité et perfection BIM jamais vue auparavant avec un nombre incroyable de modèles BIM. Le BIM fait d’ailleurs partie des lignes directrices fortes de la SOLIDEO afin d’augmenter la qualité des villages et ensembles immobiliers qui vont être construits et qui seront réversibles une fois terminés. Découvrons avec Alexandre son parcours et ses missions passionnantes.
Bonjour Alexandre et merci de nous faire l’honneur de venir échanger avec nous sur ABCD. Vous êtes architecte de formation. Pourriez-vous svp nous parler de votre parcours d’études qui est brillant et impressionnant ?
Bonjour Emmanuel et merci de m’accueillir sur ABCD Blog. J’ai suivi mon parcours à l’INSA de Strasbourg où j’ai acquis un solide savoir en matière d’architecture et d’urbanisme. Passionné par cette complémentarité des deux matières où l’on pense à la conception de l’espace en architecture et où l’on réfléchit au développement et à la préservation de nos villes et territoires en urbanisme, j’ai décidé ensuite de mettre à contribution mes connaissances au travers d’une thèse au sein de l’Ecole Doctorale des Sciences Humaines et Sociales. J’ai élaboré une thèse sous l’angle de la pratique et de la recherche de l’architecture et de l’aménagement contemporain en interagissant avec différents acteurs (publics, privés), citoyens, chercheurs, etc… La conciliation des deux sphères pratiques et théoriques caractérise mon parcours d’étude pour lequel j’ai travaillé avec beaucoup de rigueur et de méthode pour embrasser le métier que j’exerce aujourd’hui : BIM Manager, architecte, urbaniste, enseignant et formateur au sein de plusieurs écoles d’architecture et d’ingénierie.
Quand avez-vous découvert les nouvelles technologies et la 3D, puis le BIM ? Pendant vos études ?
Je fais partie d’une génération qui a assisté à la transformation des outils métier. Effectivement, au fil de mes études je suis passé de l’esquisse à la main à l’utilisation de l’outil informatique en CAO/DAO. Les deux dimensions – du dessin à la main à la technologie 3D sont pour moi interdépendants. Pendant mes études, j’ai constaté l’essor d’une nouvelle expression « BIM » dans le discours des acteurs de la profession. Curieux de l’entrée du BIM dans mon métier, j’ai étudié le sujet en lisant différents articles de recherche et manuels d’utilisation. Progressivement, je me suis auto-formé en utilisant l’outil pour le comprendre. Plus tard, j’ai fait le constat qu’une culture BIM commençait à émerger, j’ai donc voulu approfondir mes connaissances sur l’utilisation de cet outil en assistant à des conférences sur le sujet et en échangeant avec différents acteurs-utilisateurs de cet outil BIM. De l’émergence du BIM à son développement, je suis resté attentif à l’évolution de ce processus en étudiant les tenants-aboutissants, notamment le processus collaboratif initié par cette technologie.
Quel lien faites-vous entre technologie 3D, BIM et nos métiers de l’architecture et du bâtiment ?
Votre question est un vrai débat. Le fondement du BIM est avant tout un processus de travail collaboratif. Cet outil exige de nouvelles organisations de travail, ce que l’on appelle aujourd’hui dans la littérature anglo-saxonne le “changement de paradigme”.
Ce lien ouvre notre champ de vision sur une nouvelle manière de gérer le projet en intégrant une multiplicité d’informations précises et détaillées qui relèvent aujourd’hui de la complexité face à des projets qui impliquent de nombreux changements.
Quelles furent vos expériences avant d’arriver à la SOLIDEO ?
Avant la SOLIDEO, parallèlement à mes activités dans le domaine de la recherche au sein du laboratoire AMUP – Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg, j’ai travaillé en tant qu’architecte sur plusieurs types de projets surtout pour des projets résidentiels et des infrastructures de gares. Ensuite, pour connaître la faisabilité technique, j’ai travaillé au sein d’entreprises générales comme BIM Manager en phase DCE et EXE. Cela a renforcé mon savoir-faire dans le domaine de la construction. En même temps, j’étais enseignant et formateur sur les outils numériques au sein de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Ferrand.
Quand êtes-vous arrivé à la SOLIDEO et pour y prendre quelles responsabilités ? C’est un rôle impressionnant et prestigieux qui permet de travailler sur des projets iconiques. Que pouvez-vous nous en dire ?
Je suis arrivé à la SOLIDEO au début de l’année 2019 engagé comme BIM Manager pour la mise en œuvre de la stratégie BIM de l’entreprise en tenant compte de la gestion de la démarche et afin d’assurer la qualité des maquettes BIM des projets de la SOLIDEO.
La SOLIDEO est une entreprise exceptionnelle qui a été créée pour accomplir une mission hors du commun. Nous assurons la construction des ouvrages pour accueillir les JOP en temps et en heure mais aussi pour créer la ville de demain.
Pourriez-vous d’ailleurs nous présenter la SOLIDEO en quelques mots et nous parler de ses objectifs, son organisation et sa structuration ? Ce n’est pas un maître d’ouvrage à proprement parlé ?
La SOLIDEO est un établissement public à caractère industriel et commercial. Il a été créé par décret en décembre 2017 pour assurer la construction de l’ensemble des ouvrages olympiques pérennes pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Trois missions principales nous sont confiées. Nous concentrons les financements des 13 co-financeurs publics pour les redistribuer sur les 60 ouvrages olympiques. Nous assurons la supervision de ces ouvrages dont la réalisation est confiée à 29 maîtres d’ouvrages publics et privés différents, pour garantir une livraison dans le respect des délais, des coûts et des programmes. Enfin, nous sommes nous-même maître d’ouvrage du Village des athlètes et du Village des médias, qui deviendront après les Jeux, de véritables quartiers de villes, durables et accessibles. Mais nous allons plus loin dans la réalisation des ouvrages olympiques. Nous proposons une nouvelle vision de la ville, avec des innovations qui visent à laisser en héritage un modèle urbain duplicable et adapté aux enjeux de demain.
Quand la SOLIDEO a-t-elle décidé de rendre le BIM obligatoire pour les projets qu’elle gère ? Quelle stratégie et quels moyens a-t-il fallu mettre en place ? Est-ce que vous êtes justement arrivé pour déployer tout cela ?
Dès le début, la SOLIDEO était attentive à l’enjeu du BIM et son rôle important au sein de ses projets. La SOLIDEO maintient son rôle en se démarquant comme leader exemplaire par rapport aux maîtres d’ouvrage français dans le milieu de la construction. En interne, nous déployons la culture du BIM à travers des formations pour l’usage du BIM au sein de l’entreprise.
Quels sont vos 4 piliers et où le BIM se situe-t-il ?
Le BIM fait partie des ambitions aux côtés des 3 autres fondements de la SOLIDEO que sont : l’excellence environnementale, l’accessibilité universelle et l’insertion professionnelle. Le BIM constitue à lui seul une base de données géante qui consiste à comprendre et accomplir ces fondements.
Le BIM a-t-il commencé en phase concours ?
Tout à fait, on demande une maquette BIM du projet. Avec un Niveau de Développement (Informations et Détails Graphiques) en lien avec une phase Esquisse définie dans la Charte BIM, elle-même transmise dans le cadre du règlement de consultation. Cette maquette sera analysée et utilisée pour assurer une revue de projet et son insertion au sein de l’environnement bâti de la ZAC.
Etes-vous en full BIM et faites-vous du CIM aussi étant donné l’étendue de ce projet ?
Nous sommes sur une démarche de Full CIM/BIM. Nous avons également déployé cette notion au sein de la ZAC du Village des Athlètes et le Village des Médias, des espaces publics et bâtiments. Nous sommes également en train de développer des maquettes LIM « Landscape Information Modeling » pour certains projets.
Avez-vous une charte BIM spécifique pour les Equipes impliquées sur le projet ?
Nous considérons qu’un processus BIM se fait sur mesure en fonction du projet, de son périmètre, du cadre contractuel (conception / réalisation / corps d’état séparés), de la nature du projet (neuf ou rénovation), etc… Les chartes BIM de la SOLIDEO sont par conséquent variées en fonction de l’ouvrage et de ses spécificités. Cependant, les chartes BIM ou les chartes CIM des projets SOLIDEO partagent les mêmes lignes directrices, surtout concernant l’ambition de full CIM/BIM et les objectifs de la SOLIDEO. Je précise que la SOLIDEO demande dans le cadre de sa démarche, des Conventions BIM de la part des différentes entités qui travaillent ensemble afin de mieux encadrer le travail collaboratif, l’organisation et de prévoir une meilleure interopérabilité entre les différents environnements, logiciels et applications informatiques. Également pour mettre en place les procédures, les solutions et les dispositions pour accomplir nos objectifs CIM/BIM.
Sur combien d’hectares s’étend votre maquette et quels lots couvre-t-elle ?
Si on parle de la maquette du Village des athlètes, elle s’étend sur 65 hectares. Elle comprend les espaces publics (nivellements, voiries, équipements, réseaux et paysage), les bâtiments issus de programmes immobiliers et les équipements publics, (gymnases, groupes scolaires et lycées, etc…) pour tous les corps d’états (Architecture, Structure, Systèmes). Les maquettes sont modélisées selon le Niveau de Développement (Informations et Détails Graphiques) de chaque phase, et vérifiées en se basant sur les Chartes CIM/BIM des projets. Idem pour la maquette du Village des Médias qui s’étend sur 30 hectares environ.
Comment la maquette terrain et les bâtis existants ont-ils été conçus ? Y-a-t-il eu une grande phase de rétroconception par scan laser et drone et reconstitution d’une maquette du territoire de l’existant ? Avec quels logiciels ?
Compte tenu de la complexité des projets ainsi que les contraintes liées au temps (délais courts), nous avons employé toutes les technologies et les dispositions afin d’assurer la fiabilité des données et afin de permettre de gagner en efficacité et de réduire tous risques éventuels ainsi qu’assurer une meilleure estimation des coûts des travaux. A ce stade, nous avons utilisé les scanners laser (drones et stations de captures) et la détection de réseaux enterrés. Cela a permis de récolter des informations précises et simplifier les tâches des différentes équipes surtout la Maîtrise d’œuvre en phase diagnostic et conception et les entreprises de travaux en phase EXE permettant de gagner en temps et économies.
D’ailleurs, les logiciels utilisés étaient choisis en fonction des outils employés par les sous-traitants pour effectuer cette mission. Nous avons encadré ce travail par des cahiers des charges et une vérification des résultats.
Combien d’architectes, BET et entreprises sont impliquées et collaborent sur ce projet ?
Il est nécessaire de préciser que tous les architectes, urbanistes, bureaux d’études et entreprises de travaux sont impliqués dans notre démarche CIM/BIM. Tant pour le projet du Village des Athlètes que le projet du Village des Médias, y compris les projets d’équipements publics dès la phase concours jusqu’au DOE.
Pour le projet Village des athlètes, nous comptons en phase conception : 41 agences d’architecture, 7 paysagistes et 18 BET généralistes et spécialistes.
Aujourd’hui, nous commençons les travaux et l’objectif est d’encourager les TPE / PME à utiliser le BIM dans la réalisation de leurs missions.
On pense souvent aux équipements sportifs quand on pense aux projets que vous construisez, mais c’est bien plus que cela, n’est-ce pas ?
Tout à fait. Dans la manière de concevoir notre programme, nous avons d’abord conçu des ouvrages pour le territoire et ses habitants. A l’été 2024, nos ouvrages vont accueillir les Jeux, mais ils serviront surtout aux habitants et usagers dans les 30, voire 50 prochaines années. Sur les deux villages, au moment de déterminer le programme, nous avons inclus des écoles, des commerces, pour s’assurer que ces projets soient dotés de tous les services nécessaires à la vie d’un quartier. Dans les modes de construction, nous avons réfléchi selon les grands enjeux du XXIème siècle, notamment sur le plan environnemental. Pour le Village des athlètes, nous réduisons de 45 % l’impact carbone sur l’ensemble du cycle de vie par rapport à un projet classique. Nous profitons des Jeux pour préfigurer la ville de demain.
Quelle est la particularité de ces bâtiments une fois que les jeux seront terminés ?
L’ensemble des bâtiments que nous construisons ou rénovons seront utilisés après les Jeux. Nous avons beaucoup travaillé avec les différentes collectivités pour construire des ouvrages qui correspondent aux besoins des usagers. Pour les villages, les configurations sont toutefois différentes en phase Jeux et en phase héritage. Dès octobre 2024, la SOLIDEO et les constructeurs récupèrent les clés pour effectuer des travaux de réversibilité, pour transformer les chambres d’athlètes en appartements familiaux, étudiants ou sociaux. En prévoyant ces travaux dès l’origine du projet, cela permet des économies de matières non négligeables.
Vous financez aussi des équipements pour les villes et quartiers dans lesquelles vous réalisez les villages ?
Par définition, tous les ouvrages que nous finançons seront utilisés durant les Jeux Olympiques et Paralympiques. Au moment de concevoir notre programme, nous avons beaucoup travaillé avec les collectivités pour correspondre à leurs besoins. Par exemple, sur le Village des athlètes, nous construisons également un pont entre Saint-Denis et L’Ile-Saint-Denis. Outre son utilité pour relier les deux parties du Village, c’est surtout un pont qui était attendu depuis longtemps par les riverains. Il permettra d’améliorer considérablement la connexion entre ces deux communes. L’exemple des groupes scolaires que nous construisons à Saint-Ouen, au Bourget et à Saint-Denis est particulier aussi. Ces écoles ne serviront pas directement pendant les Jeux, mais elles donnent du sens aux quartiers que nous construisons grâce aux Jeux. C’est cela que nous avons voulu : construire grâce aux Jeux des projets qui ont du sens pour les territoires.
Atelier Pascal Gontier/Lina Ghotmeh architecture/Gaëtan Le Penuel architectes – Architectes
secteur sud : Atelier d’architecture Chaix & Morel et Associés / Triptyque Architecture
Lorsque vous avez rendu le BIM obligatoire, quel pourcentage d’architectes travaillaient en BIM ?
Près de la moitié des architectes n’était pas encore BIM Ready. Ils ont donc commencé à utiliser les logiciels BIM et les plateformes collaboratives pour réaliser le projet du Village des Athlètes. A ce stade, le retour d’expérience est positif. Cela confirme que la SOLIDEO, au travers de sa mission et de ses ambitions, est un catalyseur du déploiement du BIM et de la transformation digitale du métier de la construction.
Pour ceux qui n’étaient pas BIM ready, les avez-vous accompagnés ? Si oui, comment ? Cela a-t-il été difficile ?
C’était le cas pour les projets sous la maîtrise d’ouvrage de la SOLIDEO et pour les entreprises sous-traitantes qui travaillent pour notre compte. Nous avons accompagné un certain nombre d’elles et fournissons un retour d’expériences basées sur notre savoir-faire, surtout pour résoudre les difficultés rencontrées concernant les sujets d’interopérabilités entre les différents logiciels / formats des maquettes BIM. J’ai également accompagné certaines entreprises qui débutent leur démarche BIM afin de réaliser des maquettes conformes mais aussi pour exploiter les maquettes pour atteindre leurs missions.
atelier Pascal Gontier/Lina Ghotmeh architecture/Gaëtan LePenuel architectes – Architectes
secteur sud : Atelier d’architecture Chaix & Morel et associés / Triptyque architecture
Quel pourcentage d’architectes travaillent sur Autodesk Revit sur ce grand projet ?
Revit fait partie des logiciels les plus utilisés par les architectes et les bureaux d’études surtout les entreprises générales. Il comprend les différentes disciplines de construction et cela facilite la mission de coordination.
Combien de maquettes sont connectées pour un projet si important ? Et quels sont les grands défis ? Le poids, le géoréférencement, le suivi d’avancement, les vérifications de conflits au quotidien sur un tel modèle ?
Environ 1400 maquettes sont produites et connectées pour le projet du Village des Athlètes. La moitié est pour la phase Héritage et l’autre moitié pour la phase Jeux Olympiques et Paralympiques.
Les grands défis sont liés à la coordination entre les différents acteurs du projet, qui sont très nombreux d’ailleurs, la gestion des phases, mais aussi l’interopérabilité entre les différents environnements BIM. Enfin, assurer la qualité des maquettes BIM qui doivent être prêtes à tout moment et pour tous usages. A ce stade, plusieurs niveaux de contrôles sont nécessaires ; le contenu, la conformité BIM et la cohérence entre les différents modèles. Ces niveaux de contrôles sont répartis entre les équipes : maîtrise d’œuvre, maîtrise d’ouvrages, AMOs BIM et la SOLIDEO.
Votre rôle de BIM Manager doit être gigantesque. Cela doit être l’une des plus grandes maquettes en France ?
C’est la plus grande maquette BIM en France, voire en Europe. Cela implique une organisation méthodique face à la complexité de la maquette : rigueur, suivi, mesurage du degré d’urgence et priorisation des sujets.
Avec quels logiciels compilez-vous les 700 modèles ? Combien de zones y-a-t-il et les maquettes sont-elles structurées par rapport à cela ?
Les maquettes peuvent être compilées sur toutes les applications et logiciels BIM. Nous les choisissons en fonction de l’usage. Navisworks est une solution très adéquate pour accomplir cette compilation et assurer une maquette de revue de projet, surtout avec les différents modes de navigation, fonctionnalités et la qualité visuelle qu’elle assure. Le nombre de zones est variable, les maquettes sont sectorisées et structurées en fonction du découpage des projets.
D’ailleurs, ces modèles BIM évoluent-ils ou vont-ils le faire en fonction de la phase du projet ? S’enrichissent-ils ? Quel LOD utilisez-vous ?
Tout à fait, les maquettes évoluent en fonction de la phase de projet. Cette évolution comprend le Niveau de Développement (LOD) : le Niveau d’Information et le Niveau de Détails Graphiques. Ces exigences sont explicitées au sein d’une annexe spécifique de la Charte CIM/BIM. Nous commençons par la maquette en phase concours qui doit assurer une compréhension de la typologie architecturale du projet et qui peut même remplacer les maquettes physiques des offres. La maquette BIM nous offre un outil pour mieux comprendre le projet, la complexité des niveaux et l’agencement intérieur, etc….
L’espace public est aussi central et très important. Quelle solution logicielle utilisez-vous ?
Les maquettes des espaces publics représentent une partie importante des maquettes des projets Village des Athlètes et Village des Médias. Elles comprennent les voiries, nivellements, réseaux, équipements urbains et éléments de paysage. Ces maquettes sont modélisées au moyen de plusieurs logiciels compatibles CIM et BIM.
Comment se passe votre quotidien et comment collaborez-vous avec tous ces acteurs ? Est-ce du BIM niveau 2 ?
Nous sommes sur le BIM niveau 2. A la SOLIDEO on considère que le BIM fait partie intégrante du projet, ce n’est pas une démarche en parallèle. A ce stade, je suis en échange permanent avec la direction de la maîtrise d’ouvrage, ce qui est essentiel pour créer une synergie et pour la réussite de cette démarche. Cela permet également de valoriser l’usage du BIM.
Quels sont vos cas d’usages BIM ? Faites-vous de la 4D, de la 5D, logistique et PIC chantier ? Autre ?
Nous avons adopté une démarche de Full CIM / BIM opérationnelle et pragmatique faisant converger l’ensemble des acteurs afin d’exploiter tout le potentiel et les avantages du BIM qui sont multiples : maîtriser la conception, améliorer le pilotage de projet et la réduction des risques, améliorer l’efficacité notamment en phase chantier, maîtriser les délais, optimiser les coûts et contrôler les budgets. Nous avons développé des cas d’usages spécifiques en lien avec les besoins particuliers de la Maîtrise d’ouvrage.
Faites-vous des simulations de performances, notamment liées au développement durable et au carbone, à la sécurité des personnes ?
SOLIDEO érige la démarche CIM/BIM comme l’un des fondements majeurs de la réussite du projet et qui préserve l’intelligence du modèle depuis l’esquisse jusqu’à la construction voire l’exploitation des bâtiments. Nos maquettes BIM constituent un outil propice à l’excellence environnementale (bilans carbone, ensoleillement, etc…), permettant de simuler et mesurer l’impact des constructions sur leur environnement mais aussi diminuer le nombre d’erreurs de coordination et limiter le gaspillage des matériaux. La maquette est utilisée pour assurer l’accessibilité universelle des personnes. Nous développons également l’usage de la maquette pour la gestion des copropriétés dans les bâtiments résidentiels. Il s’agit d’un usage nouveau.
En interne, nous avons développé un usage BIM en phase très avancée : la faisabilité de projet par l’intégration de modèles numériques au sein des environnements SIG ; cela a été un outil important pour la prise de décision et qui a permis de gagner du temps à ce stade.
Quels sont vos grands défis au quotidien ? Et qu’aimez-vous dans votre métier assez exceptionnel ? Vous êtes d’ailleurs seul pour gérer tout cela ou avez-vous une équipe ?
Les challenges sont bien évidemment d’assurer la qualité des maquettes mais aussi maintenir les délais, la coordination, également de valoriser l’usage des maquettes. Pour cela, je travaille avec mon collègue Branislav Punišić, Chargé de mission BIM.
Chaque jour est différent, j’apprécie l’évolution de la technologie BIM et je m’épanouis en me mettant quotidiennement à la page par rapport à la culture numérique. En BIM, il n’y a pas de routine !
Quels livrables demandez-vous et en quels formats ?
Les livrables sont toujours aux formats IFC 2×3 et natifs, en fonction du logiciel de production des maquettes. Les objet BIM sont classifiés en Uniformat II niv.3 – 2015.
Le BIM est un sujet complexe et tout le monde n’est pas en mesure de manipuler de tels modèles. Comment se passe la collaboration avec les autorités ? Avez-vous mis en place un système d’immersion en RV/RA pour qu’elles s’approprient ce jumeau numérique et vous fassent des retours ? De même pour les citoyennes et citoyens, ont-ils accès à vos modèles pour les enquêtes d’utilité publique ?
La maquette BIM est considérée comme le jumeau numérique de nos projets. Autrement dit, c’est le projet en virtuel qui est valable et exploitable pour tous types d’usages. Certaines démarches pour la production de RV/RA sont en cours. Par ailleurs, nous avons développé un outil de concertation citoyenne ‘’Serious Game/visite virtuelle’’ avec un niveau de détail graphique très avancé. Il permet aux citoyens de visualiser le futur Village des Athlètes, de se rendre compte des futurs bâtiments et espaces publics. Cet outil permet également aux habitants de participer à l’aménagement des futurs espaces publics, à travers des dispositifs numériques où l’internaute peut proposer ses propres aménagements. Par exemple en positionnant sur une grille des jeux pour enfants, des bibliothèques partagées, tout type d’équipements urbains et paysagers. Cet outil est disponible sur le site web de la SOLIDEO et également mis à disposition au sein de la maison du projet. Nous travaillons en permanence sur cet outil pour l’améliorer afin de vivre une expérience exceptionnelle.
Pour tester notre Serious Game, cliquez ici : https://portal.furioos.com/share/704.528
Avez-vous une stratégie pour l’exploitation et la maintenance avec des jumeaux numériques après la construction ?
Le sujet est en cours de réflexion et les solutions liées à l’exploitation seront basées sur les maquettes BIM DOE.
D’ailleurs, après la construction, qu’adviendra-t-il de tous ces bâtiments ?
Après les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, des travaux de réversibilité des bâtiments seront réalisés pour reconvertir les logements des athlètes en logements familiaux, logements étudiants, bureaux, activités, etc. Les équipements publics, comme les groupes scolaires, seront restitués aux collectivités locales compétentes.
Souhaiteriez-vous dire quelque chose de particulier à nos lectrices et lecteurs ?
L’effort de la SOLIDEO marque un tournant dans l’accélération de l’usage du BIM au travers de sa vulgarisation et démocratisation : c’est un véritable catalyseur qui prouve que le BIM n’est plus une contrainte… c’est un facilitateur en matière de travail collaboratif et itératif. Le retour d’expérience de la SOLIDEO à ce stade est fort.
Compte tenu de l’évolution du BIM depuis l’apparition de la théorie de Douglas Engelbart dans Augmenting Human Intellect en 1962 jusqu’à la vision de Michel Serres par rapport à la révolution numérique où “la révolution numérique en cours a des effets au moins aussi considérables qu’en leur temps l’invention de l’écriture puis celle de l’imprimerie”. Le BIM ne serait-il donc pas un choix, mais une destinée ? Le processus BIM marque notre histoire : c’est un outil à vocation professionnelle au service de l’acte de construire ensemble la ville de demain…
Alexandre, un grand merci pour votre temps, ce récit passionnant et votre travail impressionnant avec tous vos collègues de la SOLIDEO. Nous vous souhaitons un franc succès dans cette belle aventure historique.