Le BIM chez Chabanne Archi \\ Ingé, une vision globale, de la conception à la réalisation jusqu’à l’exploitation
Nous avons cette semaine le plaisir de recevoir la BIM Manager d’une agence d’architecture française bien connue – Chabanne Archi \\ Ingé – société qui a bien évolué ces dernières années et dont le BIM est au cœur du processus de production de ses bâtiments beaux et efficaces. Stéphanie Miralles, jeune Femme au parcours atypique, nous en dira plus sur l’organisation poussée et méthodique qu’elle a mis en place pour cette belle agence de la région Lyonnaise mais au profil assez international finalement.
Bonjour Stéphanie et bienvenue sur ABCD Blog. Pourriez-vous svp vous présenter en quelques mots pour nos lectrices et lecteurs ?
Bonjour, je suis Stéphanie Miralles Responsable du pôle BIM et BIM Manager chez Chabanne depuis 2ans. Une petite cellule BIM composée de 2 personnes venait d’être créée, j’ai eu l’opportunité de la recréer à mon image et celle de l’entreprise, de rebâtir ma propre équipe ainsi que de doubler son effectif. Aujourd’hui, nous sommes un pôle complet de 5 personnes bientôt 6 !
Pourriez-vous nous parler de votre parcours étudiant brièvement ?
J’ai tout d’abord démarré par une formation d’architecte d’intérieur en 3 ans. A la suite de mes études, je me suis aperçue qu’il y avait un vrai manque de connaissances sur les logiciels pour une bonne insertion dans le monde professionnel. Après un an à travailler, j’ai choisi de retourner à l’école pour une année de licence en alternance en tant que technicienne d’études (dessinatrice/modeleuse) afin de me perfectionner sur divers moyens informatiques.
C’est très intéressant car nous n’avions jamais échangé avec des architectes d’intérieur ! Comment le numérique et ses outils de production, ainsi que la 3D sont-ils entrés dans votre quotidien ? Vos premières années post diplôme ont été semble-t-il passionnantes et originales…
Lors de mon alternance chez Biomérieux en 2014, j’ai eu la chance de découvrir au sein du bureau d’études une nouvelle équipe fraîchement formée sur Autodesk Revit, ainsi que mon tuteur au métier de BIM Manager. J’ai donc tout de suite saisi l’opportunité de m’immerger dans ces nouvelles compétences en tant que modeleur TCE (Tous Corps d’Etats). La découverte de Revit et la gestion du BIM ont immédiatement été un révélateur pour moi tant sur les automatismes que sur la gestion de l’information avec la 3D. Après cette année, j’ai intégré durant 3 ans les bureaux d’études de Sanofi, cependant, la 3D se faisant très rare, je suis restée ouverte à d’autres propositions en mettant en avant mes compétences qui étaient plutôt rares sur le marché autour du BIM et de Revit. J’ai été démarchée par Graitec, pour développer cet aspect-là dans le milieu de la formation et du développement et accompagnement au sein des entreprises.
Vous avez justement ensuite intégré l’un des Partenaires Autodesk (Graitec NDLR) afin de former et suivre les professionnels de l’AEC. Que retenez-vous de cette belle expérience et qu’y avez-vous appris ?
Ce fût une très belle expérience, à la fois enrichissante techniquement et humainement. J’ai pu approfondir mes connaissances sur Revit, tester sans cesse de nouvelles approches. Apprendre divers métiers et techniques du bâtiment. Graitec étant des spécialistes du métier de la structure, j’ai pu apprendre auprès d’ingénieurs Structure mais aussi sur les métiers de l’électricité, fluides (MEP, CVC, pomberie) avec une approche environnementale par les logiciels complémentaires que l’entreprise développe. D’un point de vue humain, aller à la rencontre de tous ces métiers, diverses organisations de travail et apprendre à s’adapter avec toutes ces typologies professionnelles mais aussi mélanger les approches métiers dans des groupes rend le métier vraiment intéressant et formateur pour nous aussi finalement !
L’arrivée Chez Chabanne était-elle ensuite un besoin de retour aux sources vers l’architecture ?
En effet, après 3 ans dans la formation, l’envie d’aller plus loin est devenue indispensable. L’accompagnement et la formation me laissaient une frustration de vouloir avancer avec une entreprise et un développement à mon image de A à Z et de l’appliquer dans un quotidien au sein de projets avec une équipe constante et surtout d’avancer ensemble. Chabanne m’a laissé cette belle opportunité, m’a fait confiance et j’en suis plus que ravie aujourd’hui !
Justement, pourriez-vous nous présenter l’agence Chabanne car hormis le fameux nom, peu de gens connaissent vraiment son organisation et sa pluridisciplinarité. Comment êtes-vous organisés, quels types de projets faites-vous, etc. ?
Chabanne, ce sont plus de 10 métiers qui travaillent main dans la main au service du projet. Notre valeur ajoutée réside dans le maillage des compétences entre architectes et ingénieurs, ce qui nous permet d’aborder de beaux projets avec une vision globale de la conception à la réalisation jusqu’à l’exploitation.
Nous sommes spécialisés dans les ouvrages complexes pour de multiples secteurs : sport et culture, santé, enseignement, urbain et city.
Pour mon organisation et la mise en place du BIM, cela s’est fait naturellement par un tour d’agence avec divers audits, découvertes de chaque métier, beaucoup d’écoute sur les besoins et les volontés. Puis, j’ai mis en place un plan d’action, chaque étape devait être accessible prenant en compte tous les corps de métiers et leurs attentes tout en jonglant avec l’aspect humain : savoir rassurer, écouter et accompagner.
En tant que BIM Manager, comment avez-vous organisé votre équipe et quels types d’outils, documents, process avez-vous mis en place pour aider vos équipes projets à travailler ?
J’ai mis en place des process dès les démarrages projets en concours, par un accompagnement de tous les intervenant et de leurs besoins. Mise à disposition des modèles de travail (gabarits, bibliothèque de familles, process d’interopérabilité, support technique avec tutos, convention BIM type, annexes, etc …)
Travailler sur un BIM pluridisciplinaire constitue-t-il une difficulté pour vous ?
Je ne parlerais pas de difficultés mais de complexité, cela demande plus de coordination, de paramètres à prendre en compte et de savoir accorder les différents « violons » afin que cela convienne à chaque métier. Parfois cela va demander quelques concessions mais aussi permettre de créer une plus grande communication entre les métiers.
Le défi est d’autant plus intéressant et motivant pour notre métier !
Quels métiers sont concernés par le BIM chez vous ? Tous ? Ou juste une partie ? Poussez-vous très loin les limites de son implémentation ?
Tous nos métiers sont concernés par le BIM de près ou de loin, l’essence de Chabanne est de travailler ensemble. L’openBIM est une clé pour cela, que ce soit un moyen simple pour l’interopérabilité ou bien dans un BIM beaucoup plus complet et riche en informations.
Tout cela oblige à pousser la collaboration. Etes-vous en BIM niveau 2 ou 3 ? Avez-vous adopté les solutions de collaboration d’Autodesk ?
Nous sommes principalement en BIM niveau 2. Chaque métier détient encore sa propre maquette. Cependant, nous sommes en BIM niveau 3 sur certains aspects, notamment avec les économistes et architectes d’intérieur. En effet, nous avons créé des espaces qui leur sont dédiés directement au sein de la maquette architecte et qui leur permettent d’avoir leur propre vues, leurs nomenclatures et de compléter les informations nécessaires pour une exploitation optimale de la maquette.
Pour la collaboration, nous étions soit sur serveur, soit sur Autodesk BIM 360. Pour cette fin d’année, nous avons investi dans les licences BIM Collaborate Pro et nous avons décidé de basculer entièrement sur le cloud pour une plus une grande flexibilité entre nos différentes agences, pour gagner du temps mais aussi être sur des maquettes constamment à jour entre métiers est primordial. Sur ce dernier trimestre, nous passons donc tous nos projets sur le cloud et directement sur la nouvelle version de BIM 360 : la plateforme ACC (Autodesk Construction Cloud). Le cloud sera accessible à tous les membres Chabanne et les licences BIM Collaborate Pro à tous les « modeleurs » du projet, architectes et ingénieurs compris. C’est un nouveau virage pour l’agence !
D’ailleurs, quels sont vos principaux outils de production BIM et quels bénéfices en retirez-vous ?
Nos principaux outils sont Revit, BIM 360, Navisworks ainsi que nos outils de programmation ou plugins tel que Dynamo Pro, BIMOne, BIMLINK, FISABIM, Diroots. Cela nous permet de palier à certaines limites des logiciels et d’aller plus loin dans nos process.
Dynamo constitue-t-il un outil indispensable à votre productivité ?
Oui, il fait partie de nos process et est devenu indispensable dans nos projets dans le cadre notamment de l’automatisation de tâches.
Certains architectes disent que le BIM limiterait la créativité de la profession, qu’en pensez-vous ?
Selon moi, le BIM et la créativité sont indépendants. Le BIM vient apporter de l’échange, de l’information. Ce qui peut limiter la créativité, ce sont celles du logiciel employé… Revit a parfois quelques limitations, mais nous travaillons chaque jour à les contourner par le biais d’outils complémentaires ou par un développement sur l’interopérabilité entre logiciels. Par exemple nous travaillons sur le développement de l’interopérabilité entre Rhinoceros 3D et Revit. Et nous nous servons aussi des familles adaptatives pour aller plus loin en termes de modélisation et enfin, récemment, nous nous sommes penchés sur Spacemaker aussi…
En quoi consiste votre quotidien type ? Avez-vous toujours de la résistance au changement en interne ?
Mon quotidien type est de prendre connaissance des nouveaux projets (aspect administratif et logiciels) avec tous les attentes que cela implique, que le BIM soit demandé ou non, nous travaillons en BIM en interne. Puis, vient l’accompagnement des équipes en continu. Enfin il y a la R&D, que ce soit dans l’amélioration de nos process, que dans le développement de nouveaux outils ou mise en place avec mon équipe, nous sommes en perpétuelle quête de progrès et de performances.
Quels sont vos plus beaux souvenirs de projets BIM chez Chabanne ?
Difficile de choisir ! Chaque projet depuis mon arrivée devient le plus beau car je vois une progression sur chacun d’entre eux et cela rend notre métier gratifiant. Mon 1er projet chez Chabanne a été le nouveau Lycée de Meyzieu. J’ai choisi de tout de suite défier nos équipes en acceptant du BIM sur des aspects qu’ils n’avaient jamais explorés ou sur des métiers pas encore expérimentés chez nous (tel que les VRD). Le projet est actuellement en phase chantier et c’est une très belle réussite, malgré quelques réticences au début, ce projet a permis de montrer à nos équipes qu’elles en étaient capables et de lancer ainsi la machine.
Le projet du Palais des sport de Caen la Mer est aussi un très beau projet réalisé en BIM et actuellement en chantier.
Nous avons aussi un très beau projet en collaboration avec 3XN, ce qui représente une belle performance en termes de collaboration interne et externe et sur le développement du BIM sur chaque phase, actuellement nous venons d’entamer la phase EXE avec gestion des VISAS sur la nouvelle plateforme ACC.
Vous nous avez notamment parlé d’un très beau projet avec 3XN qui constitue aussi un véritable défi BIM que vous avez relevé avec brio. Pourriez-vous svp nous en dire quelques mots ?
Oui, comme je le disais précédemment, il s’agit du Palais des Congrès de Nîmes, c’est un projet de grande envergure. D’un point de vue architectural, sa façade à double courbure est complexe, 3XN travaillant sur Rhinoceros (et Revit) nous avons dû la recréer entièrement avec Revit. C’est le service BIM qui s’en est chargé en trouvant diverses solutions car Revit est bien plus « complexe » pour ce type de forme. Un vrai travail de recherche et de développement a été fait autour de ces deux logiciels afin de parvenir à un résultat identique tout en apportant les détails et informations attendues et surtout afin d’être capable de suivre les modifications tout au long des phases…
D’un point de vue BIM, nous avons mis en place le projet sur BIM360 et avec BIM Collaborate Pro, ce qui a permis une collaboration optimale pour tous les métiers, ainsi que de gérer la distance et l’avancée des maquettes.
Nous avons aussi mis en place tous les paramètres afin de répondre aux exigences d’informations tant d’un point de vue environnemental, que pour répondre en phase d’exploitation et maintenance.
La convention BIM et ses annexes ont permis de cadrer le projet et les synthèses BIM ont été très régulières et ont permis d’avancer tous ensemble et de résoudre au fur et à mesure les conflits techniques.
Continuez-vous à faire du projet et à concevoir ? Est-ce important dans le contexte de la responsabilité des outils et process numériques au sein de l’agence ?
Je continue de superviser tous les projets de l’agence, cependant, j’ai de moins en moins de temps pour gérer un projet à part entière. C’est pour cela que mes coordinateurs BIM sont devenus petit à petit des BIM Managers affaires que j’accompagne tout au long des projets. Je garde toujours un œil, c’est une manière de rester informée, de voir les évolutions à introduire dans nos outils et de rester pro-actifs dans ce métier. Il est important pour moi de garder un pied dans les projets, tout d’abord car j’aime cela, mais aussi pour rester proche de mes collaborateurs.
Quels sont vos futurs projets liés à la digitalisation de l’agence ?
Le projet actuel est de basculer tous les intervenants sur la nouvelle plateforme ACC et sur BIM Collaborate Pro. Puis de faire progresser la notion de présynthèse sur des logiciels tels que BIM 360 ou Navisworks afin de sensibiliser l’échange entre architectes et ingénieurs. En parallèle, nous souhaitons développer la digitalisation au sein du service travaux par l’utilisation de tablettes sur le terrain, la gestion des visas, etc… La notion de scan 3D a été une grosse réflexion que nous avons choisi de mettre en attente. Nous sommes actuellement sur un projet de programmation et de développement de nos propres outils, API (notamment avec Autodesk Forge) afin d’aller au-delà de Dynamo.
Avez-vous exploré l’IA et la conception générative ? Ainsi que tous les outils liés au SIG ?
Nous avons effectué des recherches, participé à des présentations mais l’IA et la conception générative ne sont pas notre priorité pour l’instant, nous verrons cela plus tard. Nous avons aussi découvert Spacemaker. Il reste cependant dans un coin de nos perspectives d’évolutions futures.
Quelles sont vos passions en dehors de l’Agence ?
Le sport ! Grande sportive, grande passionnée de sport aérien, je passe la plupart de mon temps libre à m’entrainer, cela me permet de déconnecter complètement et de me vider la tête. Le yoga, la randonnée, la photographie sont aussi très importants pour moi. Ils m’emmènent loin de mon quotidien « connecté et digital » et me permettent de revenir aux sources.
Connaissiez-vous ABCD Blog ?
Oui bien sûr ! Je suis ABCD depuis sa 1ère version en 2014 ou 2015, c’est pourquoi c’est un plaisir pour moi de pouvoir partager mon parcours.
Y-a-t-il un message que vous aimeriez faire passer à nos lectrices et lecteurs ?
Je conseillerais aux écoles de plus sensibiliser et de former au BIM, ou du moins aux logiciels 3D. Il y a un vrai manque technique de plus en plus visible malheureusement… D’ouvrir leurs horizons aux métiers qui les entourent pour mieux se comprendre dans un projet global et d’apprendre à s’écouter. La communication reste l’une des notions les plus importantes selon moi. Nos métiers évoluent chaque jour, il est important de suivre les avancées technologiques, d’allier notre métier aux besoins planétaires et de donner du sens à nos constructions.
Stéphanie, un grand bravo pour votre travail et un grand merci à vous pour le temps que vous nous avez accordé. Nous vous souhaitons encore beaucoup de succès sur votre route du BIM et de l’Architecture !