La saga des interviews BIM Managers reprend en cette rentrée 2015. Nous continuons cette série par un Expert ayant travaillé sur de nombreux projets connus et prestigieux comme le nouveau siège de Google en France, Ryad Ahmed Sbartaï.
Ahmed Ryad SBARTAÏ, LEED
Associé, Spécialiste BIM/VDC – VDC/BIM Specialist
Bonjour Ryad, merci d’accepter de répondre à nos quelques questions autour de ton métier de BIM Manager et de ta longue et belle expérience.
Tout le plaisir est pour moi et surtout merci à toi Emmanuel d’animer et de faire vivre ce blog
Peux-tu nous expliquer brièvement ton parcours et ce qui t’a amené à devenir BIM Manager alors que tu étais Architecte ?
Ma passion pour les outils informatiques dans l'architecture, a commencé très tôt dès mes premières années d’études en architecture au début des années 90 avec notamment AutoCAD, 3D studio Max et autres ; après une carrière d'architecte concepteur passant par des agences et des entreprises de renommées internationales comme OC Cacoub où l'outil informatique m'a permis d'atteindre mes objectifs et de mieux communiquer sur les projets ; donc c'est naturellement qu'en 2006, j'ai commencé à m'intéresser au BIM et à en parler dans des formations Revit que je dispensais à l’époque et c'est notamment grâce à l'accompagnement de certaines agences comme l'agence d’Architecture GRIMA LOUSSOUARN spécialisée dans les cinémas et théâtres et STUDIOS ARCHITECTURE qui était l'architecte partenaire de Frank Gehry sur la fondation Louis Vuitton, que j'ai évolué au titre de BIM Manager et depuis, je ne fais que ça, de la gestion de projets en BIM.
Tu as été l’un des premiers à donner des cours de BIM Management en France au travers du GEPA. Quels souvenirs en gardes-tu ?
Si je ne me trompe pas, c'était la première formation BIM où l'on parlait de méthodologie et de gestion de projet et non pas de logiciels, et je me souviens qu'en 2011, l'année de lancement de cette formation, les professionnels du bâtiment ne savaient pas trop de quoi on parlait car tout le monde à l’époque disait que le BIM c'était Revit ou ArchiCAD ou encore le format IFC, donc beaucoup de résistance au changement et surtout de l’incompréhension. La plupart des stagiaires assistaient à la formation BIM par curiosité, pour essayer de comprendre ce qu'est le BIM ? Heureusement qu'aujourd'hui, les choses ont un peu évolué…
Tu sembles voyager beaucoup pour donner des conférences à l’étranger. Peux-tu nous dire ce qui se passe à l’étranger autour du BIM et comment tu juges l’état du marché en France ?
C'est vrai, j'ai beaucoup de chance car depuis quelques années je participe à des projets à l'international, le niveau de maturité étant assez développé dans certains pays surtout sur les grand projets dans des pays tels que l’Angleterre, l’Australie , les États-Unis, Singapour, le Canada, les Émirats Arabes Unis, ou le Qatar. Par ailleurs, l'Angleterre, l’Australie , les États-Unis, Singapour ont quasiment généralisé le BIM sur l’ensemble des projets quels que soient leurs tailles.
Concernant la France, on constate une réelle évolution depuis 2011, bien qu'il y ait, à mon sens, un grand décalage entre la communication menée et l'état réel du marché ; les professionnels ne sont pas encore au point, on parle encore beaucoup de logiciels même si la technologie reste le noyau du BIM et on pense encore que le BIM manager, est informaticien. On est donc encore loin de l’application du BIM, d'autant plus qu'il y a un manque de formation dans le domaine ; on a encore du chemin pour atteindre le niveau des anglais, par exemple.
Tu as travaillé sur quelques projets prestigieux dont on a beaucoup parlé. Pourrais-tu stp nous en citer quelques-uns et nous dire celui qui t’a le plus marqué et pour quelle raison ?
J'ai eu à la fois beaucoup de chance et l’honneur de participer à certains projets de grande envergure internationale, comme Le siège de Google par STUDIOS ARCHITECTURE, la Tour DUO de l'ATELIER Jean Nouvel, l'îlot Segur Fontenoy de BRAUN et Associés, l'îlot pasteur Monaco de Groupement CURAU / LALLEMAND et surtout la Fondation Louis Vuitton qui est une œuvre architecturale et artistique exceptionnelle, mais celui qui m'a le plus marqué, c'est un simple projet de bureau de 15 000 m² à Londres qui était un projet BIM parfait en collaboration, en rigueur de travail et en fluidité de gestion remarquable ; un projet en BIM complet avec toute la maîtrise d'œuvre, l'entreprise et surtout un client qui savait ce qu'il voulait exactement.
Projet Ilot pasteur – Architectes : Architectes : Groupement CURAU / LALLEMAND
On dit que le BIM aide à maitriser les quantités et coûts du projet, quelle est donc ton approche en tant que BIM Manager pour arriver à un résultat le plus fin possible ?
La gestion des coûts est l'un des grands avantages du BIM, s'il est bien déployé et que le flux de travail est bien mis en place en amont du projet, les étapes clés pour réussir sont : la programmation et son intégration dans le processus BIM, la codification et référencement des équipements, des pièces, des matériaux et surtout leur géolocalisation, le travail collaboratif et le partage des modèles géoréférencés, la détection des clashs pour anticiper les problèmes sur le chantier, l'échéancier et l'installation du chantier (4D) avec toute sa logistique et sa gestion du personnel. Aussi, dans la plupart des pays du monde, on utilise UNIFORMAT-II-Élément-Classification qui donne un langage commun, quelque soit la discipline et le projet ; c'est l'un des outils qui facilite la gestion des coûts en BIM.
Projet ilot Ségur Fontenoy – Architecte Agence BRAUN et Associés
As-tu lu la feuille de route de Bertrand Delcambre pour passer au BIM et peux-tu nous dire ce que tu en penses ?
C'est ambitieux, et je suis heureux que le gouvernement s'y mette enfin ; par contre, je crois sincèrement qu'elle est complètement déconnectée de la réalité de terrain et que la date de 2017 sera difficilement atteignable sans un guide BIM pour la France qui fédère les différents acteurs d'un projet (architectes, ingénieurs, entreprises) afin que tout le monde parle enfin le même langage et que les lois soient adaptées au travail collaboratif et au BIM.
Tu as été l’un des pionniers du BIM, et l’on voit maintenant apparaître de nombreux BIM Managers. Qu’en penses-tu ? Est-ce une tendance qui va s’accélérer ?
Avant de répondre à cette question, il faudrait que tout le monde se mette d’accord sur la définition d'un BIM manager ; comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, ce n'est surtout pas un informaticien, comme ce que j'entends souvent autour de moi, c'est avant tout un gestionnaire de projet et d'hommes qui a une expérience sur le chantier pour anticiper et trouver des solutions dès la phase de la conception, comprendre le langage et les pratiques des autres acteurs du projet et leurs outils, mettre en place un flux de travail ou " workflow" dans un guide ou une charte pour le projet, de la programmation passant par le géomètre (géolocalisation et SIG) jusqu'au gestionnaire de patrimoine et maîtrisant les autres outils de gestion qui complètent le BIM comme la conception intégrée (phase conception et gestion des contrats) et le LEAN (gestion de chantier) ; donc oui, je suis heureux de voir que certains collègues BIM managers compétents, maîtrisent leur sujet et commencent à avoir des références de gestion de projet et ne se limitent pas seulement à quelques heures de modélisation sur Revit.
Tu collabores avec BIM One au Québec, pourrais-tu nous dire ce que vous faites et peut-être nous parler de l’adoption du BIM là-bas ?
Je suis Associé, Spécialiste BIM/VDC. BIM one est une firme installée à Quebec, à Montréal, à Toronto et à Paris spécialisée en gestion BIM bâtiment et infrastructure. De plus, nous développons des applications et logiciels pour améliorer et faciliter le travail de nos clients, ainsi que celui des utilisateurs des technologies BIM.
Nous sommes gestionnaires BIM sur plusieurs projets comme L'Aéroport International de Québec ou l’Université de Montréal. Le BIM s'est effectivement largement développé ces dernières années au Québec, et l'utilisation du BIM et de la conception intégrée commence à se généraliser.
Avec ta longue et large expérience des outils logiciels, pourrais-tu nous dire quel outil a selon toi bouleversé et fait décoller le BIM dans le monde ?
A l’échelle mondiale, la suite Autodesk et surtout Revit, sont très utilisés et répondent à la plupart des demandes des différentes disciplines même s'il y a encore du travail concernant les bibliothèques MEP, car chaque pays détient ses propres fabricants et règlementations.
Le fait d'avoir un logiciel par discipline et que l’interopérabilité soit assurée pour des logiciels spécialisés, facilitent le travail collaboratif.
Architectes : MENKÈS SHOONER DAGENAIS LETOURNEUX | LEMAY | NFOE Architectes
Qui dit BIM, dit Collaboration et format IFC. L’utilises-tu régulièrement et qu’en penses-tu ?
Qui dit BIM dit collaboration, donc échanges avec d'autres logiciels et disciplines de différentes façons, développement d'applications comme l'a fait Archiwizad en développant des plug-ins pour Revit et d’autres logiciels, ou en GBXML. J’utilise aussi le format IFC quand l'occasion et le besoin se présentent. Il y a eu beaucoup d’améliorations faites ces dernières années sur les imports/exports IFC mais malheureusement il y a encore des pertes de données et même des pertes géométriques dans certains cas. Toutefois, je suis confiant pour la suite car les éditeurs mettent les moyens pour améliorer le format IFC.
Qu’est-ce qui est le plus dur quand on est BIM Manager ? Et qu’est ce qui est le plus glorifiant ?
Le plus dur est de fédérer tous les acteurs autour du projet, je vais être un peu dur mais on ne sait toujours pas travailler ensemble et c'est la raison pour laquelle le BIM a du mal à vraiment exister, et la seule gloire et satisfaction, c'est quand ça marche et, que chacun s'investit réellement dans le travail collaboratif, telle une équipe.
Comment vois-tu l’évolution de ton métier d’ici 5 ans ? Parlera-t-on selon toi toujours autant de BIM Managers ?
Je le dis souvent lors des formations que je dispense et pour lesquelles je suis convaincu, que ce métier de BIM manager ne durera pas ; car le jour où il y aura un guide BIM unique, un plan de gestion BIM unique comme dans les autres pays et que les différentes firmes et disciplines atteindront un nombre suffisant de projets en BIM, ainsi que la maturité nécessaire dans la gestion de projet, on n'aura plus besoin d'un BIM manager externe pour piloter le projet.
Lis-tu ABCD Blog ? Qu’en penses-tu et que pourrait-on améliorer ?
Oh que oui ! bien sûr ! je ne rate aucun article car c'est l’un des rares Blog qui nous donne des informations sur ce qui se passe en France mais aussi à l'international. Ton Blog est déjà presque parfait, je ne vois pas d'améliorations à ajouter. Merci Emmanuel
Un grand merci pour le temps que tu nous a accordé Ryad et bravo pour ce témoignage passionnant !
Si vous voulez contacter Ryad, vous trouverez ses coordonnées ci-dessous :
Ahmed Ryad SBARTAÏ, LEED
Associé, Spécialiste BIM/VDC – VDC/BIM Specialist
T: +1 (844)-246-6631 x :703
C: +1 (514)-550-4400
C: +33 6 31 41 98 70
E: Ahmed.Sbartai@BIMOne.com
W: http://www.BIMOne.com