Un passionné aux commandes du BIM chez Spie, leader mondial de l’ingénierie autour des sujets de l’énergie
Dans la série de nos interviews des Experts français qui donnent leurs lettres de noblesse au BIM, nous avons cette semaine le plaisir d’accueillir Frédéric Moraleda qui est Référent BIM Building Solutions chez SPIE Building Solutions, leader mondial de l’ingénierie autour des sujets de l’énergie. Il nous fait découvrir son parcours atypique et très riche qui l’a mené jusqu’à Spie où il porte la transition digitale.
Bonjour Frédéric, et bienvenu sur ABCD Blog. Pourrais-tu stp te présenter en quelques mots pour nos lectrices et lecteurs ?
Bonjour Emmanuel, j’ai une cinquantaine d’années et j’habite la région lyonnaise malgré mon accent du Sud. Je travaille chez SPIE depuis 17 ans et je suis référent BIM au sein de SPIE Building Solutions, filiale de SPIE France, acteur global des transitions énergétique, numérique et industrielle.
Quelle est ta formation d’origine ? Viens-tu du domaine de l’énergie ?
Adolescent, j’étais passionné par l’électronique. J’ai donc passé un baccalauréat technique en électronique puis un BTS de régulation et d’automatisme. Le hasard m’a conduit dans le domaine du génie climatique lorsque j’avais 27 ans. Il me manquait à l’époque les connaissances dans le domaine thermique. Je me suis alors formé afin de pouvoir travailler dans de bonnes conditions.
Tes premiers pas professionnels étaient eux-aussi proches du terrain et dans d’autres domaines que l’énergie mais qui t’on permis d’y revenir par la suite. Peux-tu nous en dire quelques mots stp ?
J’ai un parcours atypique en effet : j’ai travaillé en commençant dans la relation client (technicien SAV à la FNAC) puis dans une société de menuiserie aluminium dans laquelle j’ai passé un CAP de miroitier lors de mes premiers pas dans le monde du bâtiment. Je répondais aux appels d’offres, fabriquais des menuiseries en atelier et les posais sur chantier. Puis vers mes 27 ans, j’ai intégré une société de génie climatique, Largier Technologie, en Ardèche. Une fois formé à AutoCAD et à la thermique, j’ai pu chiffrer des appels d’offres, dimensionner les installations, dessiner les plans, suivre la réalisation sur chantier, voire parfois en faire la mise en service.
L’économie de la construction et le dessin, notamment CAO ont été des piliers pour ta carrière future ?
Oui, en effet, cette expérience m’a permis de comprendre les besoins des chantiers et j’ai donc tenu compte de ces éléments pendant les études des projets.
Tu t’es aussi occupé de mise en service de bâtiments ?
Cela fait partie de ma formation en BTS. Lors de mon expérience ardéchoise, j’ai pu parfois prendre part à la mise en service des installations (centrales d’air, piscines, etc). Cela permet d’avoir une vision vraiment complète d’un projet.
Cela fut un point crucial pour ton passage au BIM après ?
Je ne sais pas si cela fut crucial, mais le lien que je peux faire entre mes formations initiales et le BIM sont les suivants :
- Les maquettes BIM s’anticipent et se programment avant de pouvoir dessiner
- Les plateformes d’accueil sont à paramétrer
- Le travail avec Dynamo possède la même logique que les programmes électroniques ou de régulation
Le BIM propose une vision d’ensemble d’un projet avec tous les corps d’état.
Tu as en effet raison, mes expériences passées ont été utiles lors du passage au BIM.
Quand es-tu arrivé chez SPIE et pour quel rôle ? Et sur quoi travaillais-tu au quotidien ?
Je suis arrivé chez SPIE en automne 2006 en tant que responsable d’étude. Mon rôle était le dimensionnement des projets en lien avec le chef de projet. Mes compétences sur AutoCAD ont fait que j’ai continué à dessiner les projets sur lesquels je travaillais. Avec l’évolution d’AutoCAD, nous avons automatisé nos dessins 2D, puis nous sommes passés sur AutoCAD MEP 3D. Les synthèses 3D nous sont apparues comme un gain de temps, d’où ma spécialisation pendant un certain temps dans ce domaine.
D’ailleurs, pourrais-tu nous présenter SPIE en quelques mots ?
Le Groupe SPIE est le leader européen indépendant des services multi-techniques dans les domaines de l’énergie et des communications.
Je travaille pour SPIE Building Solutions, l’une de ses filiales françaises spécialisée dans les expertises dédiées à l’intelligence du bâtiment et à sa performance. Nous réalisons des travaux neufs ou en rénovation dans les domaines du génie électrique et du génie climatique auprès de clients de secteurs variés : data centers, immobilier privé, collectivités, industrie (pour le génie climatique) ou encore la défense. Dès que cela est possible, les projets sont réalisés en processus BIM.
Quel est ton rôle maintenant ? Travailles-tu notamment sur la définition de la stratégie BIM de Spie ?
J’ai 2 casquettes. Une partie de mon temps est dédiée à la supervision des projets BIM et à la fonction d’expert conseil sur ce sujet au sein de la direction d’activité Génie Climatique Est de SPIE Building Solutions. Il m’arrive même de dessiner lorsque cela est nécessaire : je garde ainsi un lien avec les besoins réels des projeteurs BIM. L’autre partie est sur un périmètre plus large pour SPIE Building Solutions. Je suis le référent BIM pour cette entité qui comprend le génie électrique tertiaire et le génie climatique en France. Mon rôle a été d’identifier des relais dans les différentes directions d’activités et de les conseiller sur leur utilisation du BIM. Nous travaillons sur la plateforme d’Autodesk, Autodesk Construction Cloud (ACC) dont je suis l’un des administrateurs pour le groupe SPIE. Avec l’appui de Kevin Kernn (Directeur Développement & Innovation de SPIE Building Solutions), ensemble nous avons créé une communauté afin d ‘échanger sur le BIM au sein de SPIE Building Solutions. Nous essayons de faire évoluer les réflexions de SPIE sur le BIM. Grâce à Autodesk, j’ai un lien avec mes homologues de SPIE aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne et en Suisse. Nous échangeons sur nos méthodes de travail.
Combien de personnes coaches-tu au niveau national ?
Nous avons une quinzaine de relais au sein de SPIE Building Solutions, mais je dois rajouter tous les projeteurs de la direction d’activité Génie Climatique Est, soit encore une quinzaine de personnes. Parfois, j’aide aussi les autres filiales de SPIE France sur l’usage du BIM.
Revenons en arrière pour l’histoire. Tu fus l’un des pionniers de l’utilisation d’AutoCAD MEP, un logiciel orienté métier/objet qui t’a permis de mettre les pieds à l’étrier de la 3D. Pourrais-tu nous en dire quelques mots stp ?
AutoCAD MEP nous a apporté la vision 3D de l’étage d’un bâtiment. Nous avons continué à développer nos éléments et nos routings (gaine et tuyauterie) de la 2D vers la 3D. Lors d’un projet avec des charpentes métalliques (déjà en 3D sous IFC), nous avons compris l’intérêt de cette solution en synthèse. Nos dessins étaient plus justes d’où une meilleure productivité sur le chantier.
Tu faisais déjà de la synthèse en 3D avec cet outil ?
Nous réalisions en effet parfois des projets en tout corps d’état où nous faisions la synthèse. A l’époque, nous le faisions avec AutoCAD MEP malgré certaines limitations. Nous modélisions les lots techniques, les cloisons, le gros-œuvre. nous récupérions les IFC de la charpente métallique et montions ce que nous appelons maintenant une maquette d’un étage. La détection de clash était alors visuelle. Mais le gain en productivité en synthèse et sur chantier permettait d’absorber le surcoût de la modélisation.
D’ailleurs, cette utilisation d’AutoCAD MEP t’a permis de définir la configuration machine idéale avec le service informatique ?
Oui, en effet. Il faut replacer le sujet dans son contexte, nous étions en 2012. Nous avions identifié un besoin spécifique de PC performant de type « Gamer » qui n’était pas dans nos standards des outils informatiques. Nous avons longuement échangé sur le sujet. Grace à l’intervention des techniciens d’Autodesk, notre service informatique a bien compris le besoin et nous avons pu avoir des outils adaptés pour notre travail. Là aussi, nous avons gagné en productivité.
Ensuite, quand êtes-vous passés à Revit et pour quelle raison ? As-tu tout de suite vu son potentiel ?
Le passage à Revit nous a permis de raisonner sur l’ensemble du bâtiment. Au départ, nous n’y avons vu qu’un logiciel de 3D, mais très vite nous avons compris l’intérêt de la base de données. Elle nous a permis d’affiner nos contrôles qualité de document. Les corrections à apporter sont plus rapides à faire, soit dans les nomenclatures, soit dans l’une des vues (3D ou 2D). Mais Revit n’était qu’une étape dans le process BIM.
En tant que Référent BIM, comment gères-tu la formation de vos équipes à Revit et au BIM ?
Avec le service RH de SPIE, nous proposons des formations Revit au travers d’organismes agréés comme les GRETA par exemple. Pour Le BIM, nous utilisons notre collaboration avec Autodesk afin d’apporter des réponses aux questions de nos collaborateurs.
Fais-tu encore du projet ? Ou uniquement du BIM Management ?
Oui, je fais encore du projet mais de manière ponctuelle et suivant les besoins ou les ressources de la direction d’activité Génie Climatique Est. En général, j’interviens en production pure sur 1 ou 2 projets dans l’année, mais ce ne sont que des « petits » projets. Il arrive que je supervise encore les synthèses en tout corps d’état mais une fois le responsable de synthèse autonome, je m’éclipse. Cela me permet de comprendre les évolutions à faire sur nos maquettes ou sur nos process BIM.
Développes-tu des familles et des gabarits Revit au quotidien ? Avec quel niveau de complexité ?
Nous avons mis en place au sein de SPIE Building Solutions deux maquettes de références : l’une en électricité, l’autre en génie climatique. Nous développons nos familles, elles sont intelligentes : elles contiennent en général plusieurs dimensions même si de plus en plus, nous trouvons des familles avec une dimension chez les fabricants.
Avez-vous votre gabarit SPIE ? Y intégrez-vous les procédures et routines ?
Nous n’utilisons pas de gabarit mais des maquettes de référence. Elles contiennent toute l’intelligence nécessaire afin de dessiner. Nous les avons créés afin de produire très rapidement une maquette pour nos projeteurs. Les familles déjà présentes et chargées, ainsi que les paramètres projet permettent une exploitation immédiate des nomenclatures.
Quels sont vos outils Autodesk au quotidien ?
Au quotidien, nous utilisons Revit et la plateforme ACC, puis ponctuellement, Navisworks.
Tu parles d’ACC, quels avantages vous apporte cette plateforme au quotidien ?
Il est en effet évident que pour nous, le BIM n’est pas que Revit mais l’association de Revit et d’ACC. Cet ensemble correspond à la transition digitale de nos métiers. L’objectif, avoir accès à la donnée quand nous le souhaitons et de n’importe quel endroit en toute sécurité, est devenu un gain de productivité pour nous. Nous avons pu le constater pendant les périodes de confinements, nos projeteurs ont eu accès de chez eux aux maquettes sans perte de temps. Les différents modules présents dans ACC permettent d’optimiser notre productivité et d’améliorer notre traçabilité.
La collaboration et votre contrat Autodesk sont-ils clés pour votre réussite ?
La collaboration avec Autodesk est primordiale. Nous continuons à faire évoluer nos outils et nos process BIM en collaboration avec vous. Vous essayez de comprendre nos métiers et nous apportez les solutions à nos questions ou nos problèmes. Parfois, il n’y a pas de réponse et nous cherchons ensemble comment solutionner le problème autrement.
Travaillez-vous déjà sur les sujets de jumeau numérique ou de GMAO ? Livrez-vous un DOE numérique à vos clients ?
Le sujet est souvent évoqué : nous livrons à nos clients une maquette BIM telle que construite avec, suivant le client, des données stockées sur leur serveur. Avec notre communauté, nous continuons de travailler aux usages complémentaires du BIM dans son utilisation sur les chantiers et notamment dans le cadre du suivi et du contrôle de nos opérations techniques. La réalité mixte est un axe de travail en lien avec le BIM que nous exploitons de plus en plus.
Avez-vous toujours un modèle d’architecte à disposition ou vous arrive-t-il d’en créer un s’il n’en existe pas ?
Dans la majeure partie des projets, nous avons une maquette architecture de l’enveloppe du bâtiment. Parfois elle n’est pas complète et elle est donnée à titre informatif.
Dans nos projets TCE, il nous arrive de faire évoluer la maquette de l’enveloppe suivant les modifications que nous apportons à l’intérieur du bâtiment.
Quels sont les 2 projets BIM Revit dont tu sois le plus fier et qui t’ont marqué et pour quelle raison ?
Le premier est un laboratoire pharmaceutique que nous avons réalisé en tous corps d’état. Dans un bâtiment industriel existant, nous avons créé un laboratoire avec un convoyeur qui emmène automatiquement un fût à travers le laboratoire. Le local technique se trouvait au-dessus du laboratoire sur une plateforme métallique. Ce projet a été réalisé avec AutoCAD MEP avec tous les plans liés dans un fichier DWG 3D. C’était une maquette BIM avant l’heure. Cela fut un plaisir de voir l’exécution se réaliser suivant nos plans, même si bien sûr, des aléas existent.
Le deuxième serait le dernier « grand » projet auquel j’ai participé réellement en EXE. Nous avons mis en place tout le processus BIM. Les centrales d’air étaient immenses et raccordées à des caissons de filtration absolue tout aussi grands. Le défi consistait à faire rentrer ces éléments dans le local et de les raccorder avec des gaines. Nous avons proposé à notre client des vues 3D expliquant la maintenance de ces caissons. Le résultat final sur chantier a été bluffant vu la taille gigantesque des éléments.
Quelles sont selon toi les qualités que doit avoir un Référent BIM ?
Elles sont évidentes et simples : être à l’écoute de son interlocuteur et comprendre sa problématique. Si l’on ne peut apporter de solution parfaite, il faut pouvoir proposer une solution dégradée afin de pouvoir débloquer la situation provisoirement.
Il fauit aussi savoir être patient car nous changeons les habitudes de travail des collaborateurs et leur confort. Il faut avec diplomatie expliquer que perdre un peu de temps au début permettra d’en gagner plus une fois l’outil maitrisé.
Quelle est ta vision de l’avenir du numérique et du BIM chez Spie ?
SPIE est une société qui anticipe et suit les avancées technologiques et qui les intègre dans ses process. L’intérêt du BIM a été compris depuis longtemps. On continue ainsi de progresser en surveillant si une solution peut nous permettre de continuer à nous améliorer. Nous cherchons constamment de nouvelles solutions technologiques et de nouveaux cas d’usages nous permettant ainsi d’optimiser son exploitation sur nos opérations.
Hors travail, quelles sont tes passions ? Le numérique y tient-il une bonne place ou pas du tout ?
Je n’ai pas forcément de lien avec le numérique dans ma vie de tous les jours. Bien sûr, j’utilise un smartphone, des plateformes de stockage et un peu les réseaux sociaux : Plus dans un esprit de gain de temps et d’organisation. Donc je fais ma transition digitale en tant que particulier 🤣. Je vis avec mon temps.
Mes passions sont :
- Les voyages : découvrir de nouveaux lieux et les gens qui y habitent. Rencontrer d’autres façons de vivre ouvre l’esprit et ma vision des choses de la vie
- Les bons moments entre amis, prendre le temps de vivre et s’amuser avec ses amis
- La Porsche 911. C’est une passion que j’ai depuis tout petit et qui n’a cessé de me suivre en grandissant
Y-a-t-il quelque chose de particulier que tu aimerais dire à nos lecteurs ?
Le BIM est un processus qui est nouveau. Beaucoup de changements nous attendent encore. Certaines solutions ne correspondent pas à toutes les utilisations. Il faut garder à l’esprit que la solution choisie doit apporter une facilité d’utilisation et un gain de productivité.
Frédéric, un grand bravo pour ton travail de fond pour que le BIM grandisse chez SPIE et un grand merci pour cet échange très enrichissant.
Merci Emmanuel pour cet échange. C’est toujours un plaisir de discuter avec toi sur ce sujet