[Interview] Marie-Lahya Simon, Architecte et Experte Spacemaker chez Autodesk : l’Architecture est la symbiose entre forme, histoire, politique, économie, volonté architecturale… l’IA est là pour booster l’intelligence humaine

L’intelligence Artificielle augmente le pouvoir créatif des Architectes et urbanistes

Nous avons cette semaine la chance de nous pencher sur un sujet passionnant et d’actualité : l’Intelligence Artificielle et ses impacts sur la Conception Architecturale et Urbaine qui sont devenus une réalité, notamment au travers de la Société Spacemaker dont Autodesk a fait l’acquisition en 2020. Nous avons ainsi le plaisir de recevoir l’une des personnes clés du succès de l’implémentation de cette solution chez les professionnels au sein de la société, Marie-Lahya Simon, Architecte et Technical Sales Specialist chez Spacemaker.

Bonjour Marie-Lahya, merci de nous faire le plaisir de venir échanger sur ABCD Blog. Tu es Architecte de formation et tu as un parcours extrêmement riche et intéressant. Pourrais-tu stp te présenter à nos lecteurs en quelques lignes ?

Bonjour Emmanuel, merci d’avoir organisé cet échange ! J’ai un parcours plutôt atypique, j’ai commencé mes études d’architecte et d’ingénieur en France à Paris, dans un bi-cursus à l’ENSAPLV et l’ESTP. A la suite de mon année d’Erasmus à la TU Delft aux Pays-Bas, j’ai été fascinée par cette université et l’enseignement international. J’ai décidé de poursuivre mon master là-bas. J’y ai étudié la recherche, et j’ai eu la chance de travailler pour le laboratoire de MVRDV à la Why Factory. Une fois mon diplôme obtenu, je suis allée à Londres où j’ai travaillé dans une petite agence qui faisait de l’architecture d’intérieur dans l’ultra luxe. Cela n’avait vraiment rien à voir ! Au bout de quelques années, j’ai rejoint les équipes de Wilmotte & Associés à Paris, où j’ai pu gérer de gros projets de logements, du stade de la faisabilité jusqu’au chantier. C’est ensuite que j’ai découvert Spacemaker, que j’ai rejoint parmi les premiers employés en France pour développer le marché français.

Quels ont été tes premiers contacts avec l’IA, le BIM peut-être et la conception générative ? Etait-ce à l’école et cela fut-il une passion dès le début ?

J’ai découvert les outils numériques plutôt tardivement. A l’école en France, nous n’étions pas beaucoup poussés à utiliser l’ordinateur : j’ai fait toute ma licence à la main sur calque et au Rotring ! C’était une très belle expérience et une bonne façon pour moi d’apprendre à maîtriser le dessin. En revanche, en arrivant à la TU Delft, et en découvrant ce que mes camarades étaient capables de faire en modélisation 3D et en rendu… je fus époustouflée ! Mes premiers pas avec la conception générative ont été faits à ce moment-là, au travers de Grasshopper notamment. C’est plus tard en agence que j’ai suivi plusieurs formation Revit, même si mon outil de prédilection était AutoCAD… Donc tu peux le voir, rien ne me prédestinait à ce que je fais aujourd’hui !

C’est donc à la suite de mes expériences en agences que j’ai vraiment compris l’importance des outils, et à quel point le numérique pouvait aider les architectes à développer leur efficacité et leur façon de travailler.

Cela a-t-il d’ailleurs pris le pas sur la passion pour l’architecture ?

Absolument pas ! J’aime l’architecture et les architectes. Je considère les outils numériques comme ce qu’ils sont : des moyens supplémentaires dans la vaste boîte à outils de l’architecte.

Tu travailles pour Spacemaker au sein d’Autodesk, un département innovant spécialiste de l’IA pour l’Architecture. Pourrais-tu nous le présenter en quelques mots ?

Spacemaker est à l’origine une start up norvégienne fondée en 2016 par un architecte, Håvard Haukeland et un ingénieur informaticien, Carl Christensen. L’ambition est d’accompagner promoteurs et architectes à mieux concevoir les villes. L’outil que nous avons développé est un logiciel hébergé sur le cloud qui utilise l’IA et l’automatisation des tâches pour faciliter les études d’avant-projet et permettre aux concepteurs d’avoir accès à des analyses environnementales très en amont du développement de projet. 

Nous nous sommes rapidement développés à l’international, notamment en France, tout juste avant d’être rachetés par Autodesk en 2021. L’aventure prend donc une toute nouvelle dimension, et cela nous ouvre un champ des possibles extraordinaire !

Combien êtes-vous et quels sont les profils de vos collaborateurs ?

Nous sommes environ 120 dans le monde, dont 6 dans l’équipe France. Nous avons la chance d’avoir des profils variés : beaucoup de développeurs et data scientists, sans qui nous n’aurions jamais pu avoir un produit aussi performant, mais aussi des experts du domaine tels que les architectes, urbanistes, et promoteurs immobiliers qui participent tous les jours à l’élaboration d’un produit au plus proche des attentes de nos clients.

Etude de flux du vent

Quel est ton rôle au sein de Spacemaker et en quoi consiste-t-il ? Travailles-tu uniquement pour les Clients français ?

Mon rôle a beaucoup évolué depuis le début de l’aventure Spacemaker, et je possède différentes casquettes au quotidien. Tout d’abord, étant la seule architecte française de l’équipe, je suis la voix de la culture française du métier, bien différente des autres pays d’Europe ! Toute amélioration du produit doit être adaptée à la France, et aux besoins de nos métiers. 

J’ai débuté en tant que Customer Success Manager afin d’accompagner nos clients à créer un maximum de valeur sur la plateforme. J’ai évolué maintenant dans un rôle d’avant-vente où j’aide les commerciaux à démontrer l’intérêt de notre outil à nos prospects et l’impact qu’il peut avoir sur la croissance de leur entreprise. Bref en un mot : j’aide à développer Spacemaker sur le marché français et à le rendre accessible au plus grand nombre !

Quels types de solutions développez-vous ? Quelle philosophie et quelles raisons ont-elles donné naissance à Spacemaker ? Quel était le constat d’un point de vue process créatif engendrant un tel besoin de disruption ?

Le constat était assez clair : la croissance de la population urbaine est telle que la pression foncière augmente de jour en jour. Nous avons un besoin grandissant de nouveaux logements, avec des moyens de plus en plus contraints pour les maîtrises d’œuvre et d’ouvrage. Les outils numériques sont un vrai tremplin pour aider les équipes projet à collaborer plus efficacement et améliorer leurs méthodes de travail. Paradoxalement,  il y avait encore très peu d’investissements faits sur le démarrage des études alors que ce sont justement pendant ces phases où nos décisions ont le plus d’impact sur les projets ! Pour notre fondateur, Håvard Hauckland, il était impératif de pouvoir avoir un outil qui permette de travailler de façon itérative et collaborative afin de prendre les meilleures décisions sur les projets. 

Spacemaker est donc un logiciel qui intervient sur toutes les phases d’avant-projet en les disruptant de trois façons majeures.

La première est dans les différentes étapes de démarrage de projet : en quelques minutes, l’outil vous permet de créer l’environnement 3D de façon totalement automatique, de paramétrer les diverses contraintes d’un site, et de créer de la volumétrie.

La seconde, c’est l’automatisation de tâches laborieuses : l’environnement 3D en est une, mais l’outil ne se limite pas à cela ! En effet, Spacemaker vous permet, entre autres, de faire des faisabilités rapides de parking, des ébauches de plans d’étage courants, l’ensemble des calculs de surfaces, en temps réel…

Enfin, la dernière grande valeur ajoutée de Spacemaker est l’ensemble des analyses à disposition des utilisateurs : en quelques minutes, on peut connaître l’ensoleillement de son projet, l’impact sur les bâtiments voisins, le confort au vent sur sa parcelle, l’impact acoustique des voiries voisines, les éventuels îlots de chaleur que notre projet va créer… C’est une occasion unique d’avoir la capacité d’influer sur le design à un moment clé du projet et lorsque l’impact des décisions est le plus important. 

Implémenter ce type de technologies disruptives est disruptif. Constates-tu parfois ou souvent une résistance des Architectes et urbanistes (notamment en France) au changement ?

Bien sûr, comme tout changement, il y a des personnes plus ou moins réticentes. C’est une crainte complètement légitime, le besoin de protection de notre profession étant profondément ancré, à juste titre, dans notre culture. Il n’est, selon moi, pas du tout antinomique avec l’utilisation d’outils numériques. Au contraire, s’emparer de ces sujets stratégiques me semble impératif pour notre profession, car nous devons nous adapter à l’évolution de notre société et de ses enjeux. Au même titre que notre profession a déjà su s’habituer à AutoCAD, oubliant les Rotrings, il est normal que les architectes utilisent et s’emparent de toutes les nouvelles technologies à leur portée. C’est le sens de l’histoire. 

L’enjeu majeur est la maîtrise des outils, et pour cela seuls l’expérience et le temps comptent.

Les architectes ont parfois la peur et le sentiment que l’IA va leur voler la prégorative de création, voire même leur voler leurs données. Pourrais-tu rétablir la réalité stp et nous parler des vrais apports pour la profession ?

Merci Emmanuel pour cette question ! C’est effectivement une crainte que j’entends régulièrement. Tout d’abord, je tiens à rappeler que l’intelligence artificielle n’a d’intelligent que le nom. Elle est basée sur des modèles mathématiques et permet donc d’éviter à l’être humain de perdre du temps sur des tâches qu’il peut déléguer. Il est faux d’imaginer qu’un jour une IA remplacera les architectes. Ce serait faire insulte à notre profession ! L’architecture ne se résume pas à une succession d’étapes mathématiques ou géométriques, elle est la symbiose entre forme, histoire, politique, économie, volonté architecturale… Et l’IA est là pour booster l’intelligence humaine. 

Plus précisément pour les architectes, elle nous permet d’automatiser des tâches ingrates à faible valeur ajoutée pour ainsi laisser la place à la réflexion architecturale pure. Elle permet ainsi aux architectes d’être plus compétitifs dans un environnement où tout doit toujours aller plus vite, tout en leur permettant de mettre seulement leur énergie sur leur vraie valeur ajoutée. 

Avec le Generative Design dans Revit et Spacemaker, Autodesk a démocratisé l’accès à l’IA et à sa puissance pour les concepteurs. Comment fonctionne justement une approche Generative Design ? Pourrais-tu stp nous en donner les contours ?

L’idée du générative design chez Spacemaker est simple : permettre en quelques minutes d’avoir une multitude de solutions à un problème donné (plan masse ou plan d’étage courant). En fonction de plusieurs paramètres d’entrée, l’outil va proposer plusieurs schémas, qui peuvent y répondre. Bien sûr, cela ne veut pas dire que toutes les solutions proposées sont viables… mais ce sera plutôt une base pour continuer le projet manuellement. Ainsi, cela va permettre d’explorer différentes directions plus facilement et plus rapidement. D’ailleurs, notre application générative design s’appelle Explore pour une bonne raison !

Quels objectifs et quels défis votre solution permet-elle d’atteindre et de résoudre ? Est-elle orientée Urbanisme uniquement ou aussi Architecture et conception d’intérieurs de bâtiments ?

L’objectif global de Spacemaker est d’aider les acteurs de la construction à bâtir des villes meilleures. Cela se traduit par 3 niveaux : des villes plus durables et plus vertes, des villes où il fait bon vivre avec une haute qualité de vie et des villes plus rentables où l’efficacité et le coût peuvent répondre aux besoins pressants de l’industrie. 

Nous intervenons en phase d’avant projet, plutôt sur une échelle de plan masse, mais nous rentrons petit à petit dans un plus haut niveau de détail, avec l’élaboration de plans de niveaux d’appartements ou de plans de parkings par exemple. Surtout, nos analyses permettent de rentrer dans un niveau de détails plutôt poussé, permettant ainsi aux équipes de conception de vérifier les qualités de leur projet même à des stades de développement plus avancés.

Personnellement, en tant qu’architecte, ce qui m’a tout de suite plû chez Spacemaker, c’est que j’y ai vu un moyen de rendre les rapports avec la maîtrise d’ouvrage plus équilibrés et basés sur des arguments factuels. Cela change tout dans les relations MOA/MOE. Amener de la transparence permet de construire une vraie relation de confiance dans les équipes projet, et de remettre le point de mire sur des objectifs communs : faire le projet le plus qualitatif dans le budget donné. 

Qui sont les publics ciblés ? Les architectes, les urbanistes, les développeurs, les maîtres d’ouvrage, les ingénieries, les collectivités ?

Par définition, la solution se destine à tous les acteurs de l’industrie, aujourd’hui nos clients principaux sont des architectes et urbanistes, mais nous avons également des promoteurs, des bailleurs sociaux, des bureaux d’études… et même des collectivités qui nous utilisent ! 

C’est une plateforme collaborative, donc tous les acteurs d’un même projet peuvent collaborer en temps réel, s’ils le souhaitent.

Combien de solutions et de variantes différentes peut-on obtenir ? Est-ce une solution SaaS ou desktop ?

L’utilisateur peut générer un nombre illimité de variantes, dans un nombre illimité de contextes et cela, pour autant de projets que souhaité. En un mot : il n’y a pas de limites !

Tout cela est possible car Spacemaker est une solution SaaS, hébergée sur le cloud, ce qui fait qu’elle est accessible depuis n’importe où, et depuis n’importe quel appareil. Pas besoin de machine puissante, il suffit d’une connexion internet ! 

Quels sont les grands principes et grandes étapes de l’utilisation de Spacemaker ?

Tout d’abord l’utilisateur démarre son projet, l’outil créant automatiquement tout l’environnement 3D correspondant. Ensuite, il va définir ses propres contraintes sur le site (zone constructible, règles de PLU, terrassement…) ainsi que les paramètres spécifiques à son projet (type de programme, paramétrage des analyses…).

Exploration des hauteurs de bâtiments dans Spacemaker

L’utilisateur est fin prêt à modéliser sur son terrain, soit manuellement, avec des outils paramétriques soit automatiquement en utilisant le generative design. Toute la volumétrie créée est ensuite analysée par Spacemaker, donnant des indications à l’utilisateur sur les diverses qualités ou contraintes de son projet. Libre alors à l’utilisateur de faire des modifications sur son projet, puis de le réanalyser (parfois en temps réel) et d’évaluer l’impact de ses changements. Ainsi de suite, jusqu’à entière satisfaction : c’est ce que l’on nomme le design itératif.

Peut-on injecter un programme d’un maître d’ouvrage de manière dynamique et demander à Spacemaker de générer les bâtiments correspondant à ces données ?

 Il n’est pas encore possible avec le generative design de donner une cible de SDP par programmation. Toutes ces données sont à disposition comme information, après coup, pour vous aider à choisir le projet qui correspond le plus à vos besoins. En revanche, il est possible de générer des appartements sur une volumétrie donnée avec une granulométrie cible. L’outil va alors automatiquement générer des plans d’étages correspondant à cette granulométrie cible.

La création du contexte est-elle aisée et récupère-t-on des données Open Street Map et autres ? Peut-on d’ailleurs importer ses propres données non open ?

La création du contexte est extrêmement simple : une adresse, et Spacemaker met à disposition le parcellaire du contexte, et toute la maquette 3D avec le fond de plan, le dessin des rues, l’image satellite, et les bâtiments voisins et existants. Le tout étant également géoréférencé automatiquement. En moins de 3mins, la France entière est à votre portée ! 

Les données proviennent de l’IGN, Etalab et Mapbox. Il est tout à fait possible d’importer ses propres éléments directement. L’ensemble du contexte 3D est ensuite exportable, ou peut être envoyé directement vers Revit par le biais du cloud. 

Le calcul des hypothèses se fait-il en local ou sur des serveurs de calculs distants ? Le mode automatique est-il ensuite débrayable pour éditer les modèles ?

Tous les calculs se font sur des serveurs de calculs. C’est la force du cloud ! Cela permet de s’affranchir des grosses machines, et de pouvoir travailler sur son projet, aussi complexe soit-il sur un simple ordinateur portable. Les analyses doivent être commandées, donc il n’y pas de ralentissement possible. Dès que l’on modifie des modèles en revanche, les analyses deviennent obsolètes et il faut les relancer.

clip_image026
Etude acoustique dans Spacemaker

Parmi les grands avantages de Spacemaker figure le contrôle dynamique et temps réel des données riches que constitue le programme. Peux-tu nous en dire quelques mots stp ?

C’est l’une des grandes valeurs ajoutées de Spacemaker, c’est simple : les surfaces sont le nerf de la guerre ! Alors, l’accès en temps réel à l’ensemble des données spécifiques de son projet est un gain de temps considérable ! L’utilisateur doit paramétrer au démarrage de son projet certains éléments, tels que : les types de programmes, les éléments de calculs de surfaces spécifiques à chaque programmation, et les tailles des appartements. Ensuite, à chaque modification du projet, toutes les données sont mises à jour en temps réel. Cela vaut également pour la volumétrie, les emprises, les parkings, etc.  

Analyse des flux de vent dans Spacemaker

Parmi ses points forts, il y existe aussi la possibilité de faire un certain nombre de simulations. Sont-elles uniquement de type environnement (soleil, facteur de lumière du jour, etc.), ou y-a-t-il aussi une composante sur les déplacements des personnes et moyens de transports ?

Oui, pour le moment, toutes nos analyses sont de type environnementales. Nous venons notamment d’intégrer une analyse de panneaux solaires, qui permet de connaître le potentiel en génération électrique de son projet !

Analyse des taux de radiation solaire

Développez-vous aussi des modules pour les phénomènes nouveaux tels que les îlots de chaleur ou le débordement de cours d’eau ou autre ?

Oui, nous avons également une analyse de climat, qui permet de connaître, à matériaux neutre, la température d’un site. C’est assez époustouflant de voir qu’il suffit parfois de modifier une toute petite orientation ou emprise d’un bâtiment pour baisser la température de quelques degrés… Dans le contexte actuel, cette réflexion est essentielle dans le développement de projets.

Température perçue dans les espaces

Une fois intégrées dans Revit ou autre, les modèles sont-ils éditables, permettant ainsi le continuum du processus de création ?

Tout à fait, nous avons également développé un add-in pour Revit, qui permet d’envoyer directement les maquettes dans Revit. L’idée étant qu’une fois satisfait par la modélisation dans Spacemaker, le projet peut être continué dans Revit. 

Avez-vous avec vos Clients pu établir et calculer le ROI apporté par votre solution dans leurs pratiques de conception ? Quels gains obtiennent-ils ?

Tout à fait ! Le ROI est un élément essentiel pour nos clients, et nous prenons grand soin de le calculer et de le vérifier avec eux. Les valeurs ajoutées sont nombreuses, mais pour donner quelques exemples, l’agence d’architecture Patriarche a divisé par 4 son temps pour réaliser une étude de faisabilité, l’agence Valode et Pistre compte 50% de gain de temps sur ses esquisses, et plus de 2000€ ont été économisés par étude pour Linkcity. Globalement, nos utilisateurs notent qu’outre le gain de temps, la qualité de leurs rendus est supérieure, et que leur communication en interne et en externe est plus fluide, notamment avec les collectivités, et leurs clients.

Comment peut-on ensuite transférer les données dans une solution BIM de type Revit ? Une interopérabilité IFC ou Revit existe-t-elle ?

Oui, les utilisateurs peuvent exporter leurs maquettes en IFC, et depuis notre add-in, peuvent envoyer leurs propositions directement vers Revit à travers le cloud (sans passer par l’export).

Peut-on importer ses propres modèles détaillés ou des monuments ou de l’entourage du type arbres et mobilier urbain dans un projet ?

C’est tout nouvellement possible ! Nous venons de créer  une bibliothèque, où l’utilisateur peut importer toutes ses géométries Mesh, afin d’agrémenter ses maquettes de plus de détails ou bien tout simplement pour avoir ses modules habituels à portée de main.

Comment tout cela influence-t-il ou modifie-t-il la manière de travailler et de penser des Architectes et urbanistes ?

Spacemaker est révolutionnaire pour les architectes et les urbanistes. Au-delà de la rapidité d’exécution, l’outil offre une nouvelle façon de réfléchir le projet. Grâce aux allers-retours constants avec les analyses environnementales, cela donne accès à une connaissance jusqu’à présent coûteuse, chronophage et donc réservée à une élite de projets prestigieux avec le budget correspondant. C’est justement dans les premières phases du projet que la MOE a un levier gigantesque et a donc un vrai impact sur le futur des projets.

Grâce à l’automatisation des tâches, certaines étapes fastidieuses sont raccourcies, ce qui permet à l’utilisateur de se concentrer là où sa création de valeur est la plus forte. 

Enfin, le rapport entre les parties, et la collaboration est rendue plus fluide grâce à une plateforme accessible à tous, et un outil très intuitif. La transparence de la donnée a un impact très favorable sur les relations MOE/MOA en amenant plus de confiance et de fluidité.

Que dis-tu à ceux qui sous-entendent que l’IA va remplacer l’Architecte ? Pourrais-tu les rassurer ?

Tout d’abord, je pense qu’en aucun cas l’IA ne va remplacer l’Architecte, pour une raison toute simple : l’Architecture est une symbiose de nombreux éléments, certains pragmatiques, et d’autre tout simplement subjectifs, émotionnels, politiques ou encore culturels. L’IA pourra accompagner sur les éléments pragmatiques, mais au final, la vraie symbiose, cet équilibre nécessaire ne peut que se faire que par un architecte. La difficulté de notre profession est d’arriver à calibrer et quantifier notre création de valeur. C’est probablement pour cela que certains peuvent avoir peur des outils, car ils empiètent sur le terrain du « quantifiable ». L’architecture est beaucoup plus subtile que cela ! C’est tout l’enjeu de notre profession que de pouvoir exister et faire valoir notre précieux savoir-faire.

Je pense que Spacemaker peut être une aide véritable dans ce sens, car une fois emparés et maîtrisés, les outils permettent aux architectes d’être plus efficaces, et ainsi de concentrer leurs efforts sur leur valeur ajoutée : faire de l’architecture bien sûr, mais aussi accompagner et conseiller leurs clients.

Il reste des sujets difficiles à modéliser tels que les aspects sociaux, et qualitatifs de l’espace, de l’ordre de l’humain, de la poésie des lieux et du sensuel. Comment l’IA les interprète-t-elle et leur donne-t-elle peut-être ou pas une vie ? Notamment dans Spacemaker ?

Ces sujets sont difficiles à traiter avec l’IA car pour cela il faudrait pouvoir quantifier des sujets abstraits, et par essence non quantifiables. Chez Spacemaker, tous ces sujets sont laissés libre d’interprétation à l’architecte. L’outil permet d’avoir une foultitude d’arguments tangibles sous les yeux, mais en aucun cas il ne fera de lui-même l’interprétation de la meilleure solution ou direction à prendre. Par exemple, une proposition aura une pollution sonore moindre, mais un ensoleillement moins intéressant qu’une autre. Seuls les architectes seront capables de décider quel critère est le plus important selon un contexte donné. 

Cela explique aussi la façon dont nous avons donné la possibilité d’intégrer les règles du PLU dans l’outil : l’utilisateur peut lui-même paramétrer certaines règles et ensuite visualiser si son projet est conforme ou non. Ces deux étapes sont volontairement laissées au choix de l’utilisateur car l’interprétation du texte du PLU, ainsi que les étapes pour rendre un projet conforme dépendent de nombreux facteurs et du contexte du projet, et seul l’architecte peut faire ces choix.

Selon toi, quelles grandes tendances technologiques en plus de l’IA continueront à influencer notre secteur ?

Je pense que notre secteur sera impacté, comme tous les autres, par les technologies du cloud. Je crois très fort au besoin de pouvoir accéder à ses documents, et ses outils de travail depuis partout dans le monde. Combien de fois ai-je perdu plusieurs heures de travail car j’avais oublié de faire un CTRL+S …? La pandémie de Covid-19 nous a également forcé à travailler autrement, elle a mis en exergue notre besoin de communiquer plus rapidement, et surtout de pouvoir collaborer à distance. Les technologies du cloud répondent parfaitement à ce besoin.

Souhaiterais-tu dire quelque chose de particulier à nos lecteurs en guise de conclusion ?

Je pense sincèrement que les architectes devraient s’approprier les nouveaux outils à leur disposition. Spacemaker étant un outil vivant, il évolue constamment, et si vous avez besoin d’être convaincu, alors je vous invite à venir me voir à BIM World les 5 et 6 avril, sur notre stand. Je donnerai une présentation et je serai ravie de répondre à vos questions !

Marie-Lahya, un grand merci pour cet échange fort passionnant. Au plaisir de te retrouver très prochainement pour d’autres échanges…en réel.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

En savoir plus sur ABCD Blog

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture