Le progrès s’incarne – aussi – souvent par les jeunes générations qui savent l’embrasser et nous faire rêver au travers de leur dextérité à appréhender les bouleversements quels qu’ils soient (technologiques, sociaux, sociologiques…) et leurs capacités et sensibilité créatives.
Marisol Declercq et Emmanuel Lara, deux jeunes architectes sont de ceux-là. Ayant participé au concours Polantis, ils nous racontent leur passage au BIM, leur parcours intéressant enrichi par leur vision internationale et la vision de leur métier.
Marisol Declercq, étudiante en dernière année de mastère architecture & Emmanuel Lara, architecte
declercqmarisol@gmail.com et elaratorres@live.fr
Bonjour Marisol et Emmanuel,
Nous sommes heureux de pouvoir vous interviewer sur ABCD Blog. Vous avez terminé 4èmes du concours BIM Polantis avec un très beau projet. Il est toujours intéressant d’échanger avec de jeunes architectes dynamiques pour qui la technologie et les nouveaux processus sont une évidence et fait partie de leur quotidien.
Marisol, Emmanuel, pourriez-vous vous présenter en quelques mots, vos études, votre parcours universitaire et professionnel ? Et d’ailleurs en question subsidiaire, qu’est-ce qui vous a donné envie de suivre des études d’architecture ?
Bonjour Emmanuel ! Tout d’abord, merci de nous avoir invités pour cette interview.
Marisol: Je me présente, Marisol Declercq, j'ai 23 ans et je viens d’Argentine. J’ai commencé mes études d'architecture à l'ENSA Paris Val de Seine en 2012. Fin septembre, je commence ma 2ème et dernière année du cycle master.
J'ai toujours eu l'envie de faire architecture. Depuis toute jeune, j'ai cette envie de créer, comprendre et analyser. L'art fait partie de mes passions. Je ne regrette à aucun moment d'avoir entrepris des études d'architecture.
Emmanuel: Emmanuel Lara, 25 ans, jeune architecte diplômé HMNOP. J'ai effectué mes 6 années de formation à l'ENSA Paris Val de Seine. L'architecture est l'occasion de créer une nouvelle histoire avec chaque projet. Le travail à différentes échelles et la pluridisciplinarité sont des critères qui font que l'on apprend tous les jours. L'architecture ne s'observe plus de la même façon, tout est architecture et c'est ainsi que mon intérêt s'est éveillé et a grandi.
Quand avez-vous commencé à vous initier aux outils numériques pour les architectes à l’école ?
Dès la deuxième année, nous commençions à avoir des cours d'informatiques puis ensuite des cours optionnels. L'initiation s’est aussi faite par notre propre intérêt, chacun va choisir le logiciel en fonction de l'utilisation qu'il souhaite en faire et sa méthodologie et son approche de conception. Dans notre cas, nous avons choisi Autodesk Revit.
L’École prépare-t-elle vraiment bien les jeunes générations au BIM et aux technologies numériques ?
L'école informe et forme via des cours et conférences ou séminaires. Il s'agit parfois de cours optionnels, donc rien d'obligatoire.
Au-delà de l'école, l'intérêt pour les technologies numériques doit faire partie d'une démarche aussi personnelle. Les cours à l'École ne nous donnent pas une méthode exacte à appliquer, mais des clés de lecture.
Avec Autodesk Revit, nous réalisons qu'il n'y a pas une méthode unique pour travailler. Nous pouvons réaliser différentes choses par différents moyens. À chacun de définir sa propre méthode. Il faut utiliser cet outil de façon intelligente : il faut savoir d'où l'on part et où on veut aller.
Marisol, vous qui avez l’expérience d’autres pays, qu’en est-il ? Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet ? Notamment en Amérique du Sud ?
J'ai commencé mes études d'architecture en France, mais je garde toujours un contact avec mon pays. À Buenos Aires par exemple, lorsque l'on cherche du travail après les études, 90% des agences ne demandent pas de savoir maîtriser le BIM. Beaucoup d'agences travaillent encore avec AutoCAD et SketchUp. Pour les images de synthèse, ils utilisent 3d Studio ou 3ds max. La transition via le BIM est très lente.
Comment avez-vous eu l’idée de faire le concours BIM Polantis ?
La participation à ce concours ouvert aux jeunes architectes nous a semblé l'occasion de mener un projet extra-professionnel. Il s'agissait de développer une réflexion sur un programme architectural que nous n'avions jamais étudié à l'École. Le fait de travailler via le logiciel Autodesk Revit nous a permis de développer notre démarche architecturale à une échelle importante et de mieux définir notre processus de conception avec le BIM.
Quelle philosophie, quels concepts ou idée directrice ont guidé la conception de votre projet ?
L'idée était d'analyser le programme et le thème proposé, ainsi que de comprendre l'échelle du projet, de décrypter et d’analyser le site. Nous développons ensuite un organigramme et une trame spatiale pour comprendre l'échelle de ce que nous dessinons. Et à partir de là, nous cherchons à développer des scénari, des espaces, des séquences, les vues que l'on souhaite, les interactions visuelles ou physiques entre les espaces que ce soit dans le projet, ou le projet avec le site. Nous avons cherché à ce que le bâtiment soit investi de partout. Tout cela dans le but de faciliter la rencontre et la communication, les contacts réguliers entre les créateurs d'entreprises. Ces échanges s'avèrent être un atout majeur dans les pépinières d'entreprises.
12 000 m2 à seulement 2 ce n’est pas évident. Comment vous êtes-vous organisés ?
Le développement du projet via la maquette numérique permet d'être plus précis, de mieux comprendre ce que l'on projette et d'échanger plus facilement sur la conception afin de la faire évoluer. Nous développons le projet à l'image d'un chantier. Chacun faisait avancer la maquette en fonction de son temps libre. Nous n'avons pas eu l'occasion de la travailler avec la fonction de collaboration d'Autodesk Revit, mais nous comptons bien tester cela pour le prochain projet.
Les planches, rendus et le projet sont magnifiques. Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez procédé ?
Merci ! Nous travaillons beaucoup le graphisme des planches. Nous apportons un intérêt particulier au rendu. Le travail graphique est important et il permet de mettre en valeur le projet. Chaque document a son importance et il est développé dans le but de communiquer lisiblement une idée spécifique. Nous nous efforçons de développer le projet un maximum via le logiciel Autodesk Revit. Le travail avec Photoshop ne consiste qu'a appliquer quelques effets ou à apporter certains éléments visuels tels que des silhouettes, arbres ou personnages.
Ce concours vous a-t-il apporté de la visibilité à l’extérieur ?
Pas tellement. En revanche, le fait d'avoir été finalistes nous a permis de rencontrer de jeunes étudiants et architectes. Nous avons pu échanger afin de comprendre comment chaque équipe a fonctionné et quelle démarche BIM elle a adoptée.
Pensez-vous que la maitrise du BIM soit indispensable pour réussir à notre époque ou est-ce secondaire selon vous ? Pour aller plus loin, pensez-vous que ces nouvelles technologies, le BIM, le Generative Modeling, etc. permettent de transcender l’architecture ?
Marisol : Nous avons eu l'opportunité de commencer à produire nos travaux d'étudiant avec Autodesk Revit et il nous permettait d'être à un stade plus avancé que nos camarades qui n'utilisaient pas cet outil. De nos jours, la maîtrise des logiciels devient un critère de recrutement. De plus, les permis de construire BIMés font leurs apparitions.
Emmanuel : Finalement, avec 2 années de formation professionnelle, il faut tout de même avoir certaines aptitudes techniques pour pouvoir travailler avec de tels outils. Il s'agit là d'un point essentiel, car nous en sommes un peu dépourvus après nos cinq années d'études, et cela peut freiner la maîtrise du projet. Il ne s'agit plus de dessiner, mais de construire le projet. Il convient de se demander si l'utilisation de ces outils ne serait-elle pas un moyen pour les étudiants de commencer à cerner les problèmes de mise en œuvre d'un projet et lier la conception et les phases de construction.
Il me semble important que l'architecte reste maître de ses intentions. Réaliser ce que l'on veut faire tout de suite peut parfois être complexe surtout sans de bonnes connaissances du logiciel. Tomber dans la facilité peut ainsi représenter un danger et nous pousser à insérer directement et machinalement des objets dans le projet par exemple.
Marisol : Il ne faut pas pour autant perdre de vue que le logiciel est un moyen pour l'architecture et ne doit pas ralentir la pratique de l'architecture. Attention à ne pas figer trop rapidement le projet et limiter la créativité dès le début. Il ne faut pas être contraint par l'outil, mais l'utiliser et faciliter une liberté de conception.
Emmanuel : L'évolution de la société peut impacter sur le long terme dans la façon de faire de l'architecture. Le numérique le montre. Il faut savoir rester éveillé.
Emmanuel, vous qui êtes déjà en poste et qui travaillez sur Revit, quels sont vos projets professionnels et envies à court et moyen terme ?
Il me semble indispensable d'acquérir d'autres expériences afin d'élargir mes compétences et la compréhension des attitudes à avoir au regard d'une future démarche en tant qu'architecte chef d'entreprise. L'acquisition de l'habilitation à la maîtrise d'œuvre en mon nom propre est assurément le meilleur moyen d'anticiper l'ensemble des éventuelles opportunités professionnelles futures.
Tout est également question de rencontres et d’opportunités.
Marisol, vous serez diplômée l’année prochaine, je crois ? Quel est votre idéal professionnel ? Quel poste dans quelle société aimeriez-vous intégrer ?
Effectivement, j'aurai mon diplôme l'année prochaine si tout se passe bien. Pour la suite, j'aimerai pouvoir intégrer une agence dans laquelle je puisse développer des projets à différentes échelles développant des thèmes qui me plaisent afin de bien maîtriser les éléments nécessaires au bon déroulement d'un projet et acquérir ainsi de l'expérience.
Si l'opportunité s'offre à moi, fonder ma propre structure sera un challenge personnel que j'aimerai pouvoir réaliser.
Hors études et travail, quelles sont vos autres passions de jeunes architectes ?
On a quelques passions en commun. Il y a 2 ans, nous avons créé EM infographistes. Nous travaillons aussi bien le développement d'images de synthèses et de post production que la création d'identités visuelles. Nous commençons à réaliser quelques petits projets de retail et d'aménagement intérieur.
Nous aimons également voyager dès que l'on en a l'occasion afin de découvrir différentes architectures à travers la culture d'une région ou d'un pays.
Emmanuel : J'ai une passion pour la musique et notamment la musique électronique. J'ai pu faire la première partie du DJ français Michael Canitrot à l'Olympia.
Marisol, Emmanuel, un grand merci pour cette interview. C’est une bouffée d’oxygène ! Nous vous souhaitons un très bel avenir professionnel en architecture, et de nombreux beaux projets réalisés !