Notre saga des interviews BIM Managers reprend en ce début d’année 2016. Et c’est avec prestige qu’elle commence grâce à l’interview de l’un des grands noms du BIM qui fait rayonner la France à l’international, Julien Benoit, BIM Manager pour le Groupe Legendre Construction et habitué des séminaires à l’international car reconnu pour ses compétences très pointues dans le domaine.
Julien Benoit
BIM Manager – Responsable du pôle Préconstruction
Groupe Legendre Construction
Bonjour Julien,
C’est un plaisir et un honneur de te recevoir cette semaine sur ABCD Blog dans le cadre de cette série d’interviews BIM Managers qui reprend en cette nouvelle année.
Pourrais-tu tout d’abord nous parler brièvement de ton parcours universitaire et professionnel en quelques mots et nous dire comment tu es arrivé chez Legendre Construction ?
J’ai obtenu un DUT Génie civil en 1996. J’ai ensuite commencé ma carrière dans le groupe Bouygues par une période de plusieurs années en Travaux, comme chef de chantier.
J’ai poursuivi par une expérience en PME en conduite de travaux puis chez Vinci, avant de retourner chez Bouygues pour être ingénieur Méthodes. J’ai « rencontré » Revit à cette occasion. Au bout de quelques années, j’ai changé de fonction et développé les usages de Revit. A l’occasion du projet du métro de Rennes, et pour relancer ma carrière, j’ai rejoint le groupe Legendre en 2014.
Tu es une figure du BIM en France, notamment après être passé chez Bouygues et après avoir animé ton blog. Pourrais-tu nous dire quand tu as pour la première entendu parler de BIM et comment tu t’es approprié ce processus ?
J’ai commencé par découvrir un logiciel, Revit. Mais au cours des projets auxquels j’ai participé, j’ai peu à peu découvert les avantages qu’il y aurait pour les intervenants à travailler d’une manière plus collaborative, avec une technologie fédératrice telle que la maquette numérique. J’ai participé à des évènements comme les conférences RTC, et les échanges avec d’autres pays, d’autres acteurs, m’ont fait comprendre l’importance du BIM pour notre industrie. J’ai à cœur de faire progresser le bâtiment, pour que cela devienne une industrie de pointe. J’ai décidé que ce serait mon activité principale pour la suite de ma carrière.
Siège de Legendre - Maquette BIM
Tu es la pierre angulaire du BIM chez Legendre Construction. As-tu intégré la Société pour déployer ce processus chez eux ? Si oui, quelle stratégie as-tu mis en place ?
J’ai effectivement rejoint le groupe Legendre pour être le référent et le promoteur de la mise en place du BIM dans les différentes entités. Ce sont nos projets qui nous poussent en avant, mais pas dans une stratégie attentiste, où la demande d’un client nous obligera à agir, mais en ayant la volonté d’avoir en permanence une longueur d’avance. Nous devons être force de proposition sur ce sujet pour nos clients.
Nos dossiers de Conception Construction et de développement Immobilier sont menés en maquette numérique, avec un processus BIM complet.
Saussure – L-BA Architectes
Combien de personnes as-tu sous ta Direction et comment les fais-tu passer au BIM ? Est-ce long et difficile comme on le dit habituellement ?
Mon équipe est composée pour le moment de 7 personnes. Nous couvrons le BIM management, les méthodes d’exécution et la synthèse technique.
Le passage au BIM se fait progressivement, par la mise en place de nouveaux procédés à mesure des expériences menées.
Les solutions retenues pour la maîtrise d’un processus BIM sont transmises ensuite par une méthode de formation interne, la technique du patient Zéro.
Long et difficile ? C’est une question de point de vue. Il est nécessaire de mener un effort oui, et il faut faire preuve de détermination après avoir fait des choix. Je suis le garant de la détermination, et mon but est de réduire au maximum les efforts nécessaires pour mon équipe.
Bureau de Julien Benoit…en BIM
Quels sont selon toi les piliers d’une bonne réussite du BIM en entreprise ?
Ce doit être un projet d’entreprise, et non une initiative individuelle. Et surtout, ne jamais croire que l’acquisition d’une technologie signifie la maîtrise du processus BIM.
Je pense qu’il faut faire preuve d’humilité, et que rien n’est écrit.
Il n’y a pas aujourd’hui une méthode pour la mise en place d’un processus BIM dans une entité, il y a surtout des choix à faire et ensuite, il convient de se faire accompagner par des personnes expérimentées. Aussi, le succès d’une mise en place est le résultat d’un travail collectif, acteurs en entreprise, partenaires sur nos projets, clients.
Concevez-vous et construisez-vous tous vos projets en BIM ou vous limitez-vous à la phase conception ?
Nous utilisons la maquette numérique aussi souvent que possible, à savoir sur les projets où nous sommes responsables des études techniques et de la synthèse TCE. La plupart de nos projets de Conception Construction et de développement immobilier sont développés grâce à un processus BIM collaboratif, intégrant la conception, la synthèse, les études d’exécution, les méthodes et le DOE.
Notre volonté est de porter la maquette de tous nos projets au niveau DOE, et dans certains cas nous porterons la maquette jusqu’à un niveau suffisant pour la maintenance et l’exploitation.
Quelles solutions sont la ou les clefs de voûte du BIM chez vous ?
Premièrement, notre principal logiciel de production est Autodesk Revit.
Ensuite, tous nos développements et acquisitions sont pensés et réfléchis autour de la norme IFC. Nous sommes partenaires désormais pour 2 ans avec la plateforme collaborative BIMSync, de Catenda. Le format IFC est l’enjeu numéro 1 pour nous. Toute solution incompatible est exclue. Nous sommes également en étroite collaboration avec tous les autres services du groupe, car le BIM fédère nos développements.
Tu es l’un des Experts openBIM® de buildingSMART en France. Comment ce format d’échange s’intègre-t-il dans vos flux de production ?
Le format IFC nous permet de recevoir des modèles de la part de nos sous-traitants charpentes, bois et métal. C’est une solution très efficace.
Ce format est aussi utilisé en chiffrage comme export de visualisation du métré.
C’est également ce format qui nous permet le contrôle qualité des modèles, et la vérification de conception au travers de Solibri Model Checker. Nous utilisons également le format BCF sur la plateforme BIMSync pour la revue de nos projets et la collaboration en cloud.
BIMSync Catenda
Utilises-tu le moteur open Source IFC de Revit et le personnalises-tu pour tes besoins ?
Oui, j’utilise l’export IFC open source pour Revit. Nous n’avons pas encore développé notre propre export à partir des sources, mais cela ne saurait tarder. C’est en lien avec les projets de R&D que nous menons.
Quel est le meilleur souvenir de projet BIM sur lequel tu as travaillé et pour quelles raisons ?
Mon meilleur souvenir se rapporte à un projet de conception construction d’un centre de tri de déchets. Nous avons collaboré avec le fournisseur du process grâce au format IFC, et surtout nous avons optimisé la conception du bâtiment grâce à la maquette numérique, qui rassemblait un nuage de points de l’existant et la maquette du futur projet.
Surtout, le chef de projet a pu tirer avantage de ce travail en BIM alors qu’il était complètement débutant.
Quels avantages le BIM apporte-t-il essentiellement à ton Entreprise ?
Au-delà de la productivité accrue par l’utilisation de Revit, nous développons et apprenons de nouvelles méthodes de travail. Le processus BIM que nous portons peut se résumer ainsi : collaboratif, agile, efficace.
Il semblerait que quelques Experts BIM vivent en Bretagne, y vois-tu un rapport de cause à effet ?
Ahahahah ! non, aucun 😉
Tu es l’un des Fondateurs du PRUG (Paris Revit User Group ndlr), comment penses-tu que cela va contribuer à l’avancée du BIM en France ?
Je considère comme faisant partie intégrante de mon travail le fait de communiquer et d’expliquer ce nouveau concept de réalisation de nos projets.
Il est essentiel de faire de la vulgarisation, d’expliquer, de débattre, et surtout autour de cas réels, concrets. Ce groupe (PRUG) est un moyen d’y parvenir. C’est technique, concret. Les personnes qui participent utilisent les logiciels au quotidien. Le BIM structure l’industrie du bâtiment, il faut expliquer encore et encore comment et avec quels outils.
Es-tu impliqué dans le PTNB et ses groupes de travail ? Et que penses-tu de cette initiative gouvernementale de numérisation de la filière ?
Je ne suis pas impliqué dans le PTNB. J’estime que c’est une bonne initiative, mais je considère que seuls les actes comptent. Assez peu de propositions concrètes pour le moment, beaucoup de discours. Les acteurs de la filière veulent du concret.
Penses-tu qu’on devrait rendre le BIM obligatoire pour les projets publics comme nos voisins Britanniques, Allemands, Espagnols et Nordiques ?
Oui, ce serait un signal fort. Aujourd’hui, une légende urbaine prétend que le BIM sera obligatoire en France en 2017. C’est faux. Rien, aucun texte ne le précise. Et rendre une chose obligatoire en France, c’est long. La filière n’est pas prête. Donc encore une fois, beaucoup de discours, peu d’actes. Wait and see…
Tu es reconnu comme l’un des Grands Experts Dynamo en Europe. Peux-tu rapidement nous parler de cette technologie, de ses bénéfices et aussi nous dire quels services tu proposes autour de cela ?
Dynamo est un logiciel Open Source de programmation visuelle, permettant d’interagir avec plusieurs logiciels Autodesk, principalement Revit ; mais aussi avec d’autres logiciels tels que MS Excel, Rhino, etc…
Dynamo permet d’automatiser les tâches courantes, de faire des opérations impossibles dans le logiciel de base, et connecte les logiciels et leurs bases de données. Nous l’utilisons désormais quotidiennement en production.
Je propose aux architectes et utilisateurs quotidiens de Revit de les former à cette solution, car j’estime que toute entité ayant Revit comme principal logiciel de production trouvera des usages immédiats, tant en productivité qu’en qualité de production.
Quels sont tes prochains objectifs autour du BIM au sein de Legendre ? T’intéresses-tu notamment à la Réalité Virtuelle ?
Mes objectifs de développement sur les 2 ans à venir concernent la maquette numérique en phase exploitation maintenance, et la rétro-conception à partir de nuages de points.
Par ailleurs, je dois continuer à développer les usages de notre plateforme collaborative.
La Réalité Virtuelle est intéressante, mais doit encore beaucoup progresser pour être utilisée en production quotidienne. C’est dans mes objectifs à moyen terme.
As-tu un message particulier que tu aimerais faire passer aux passionnés du BIM ?
Le BIM n’est pas une technologie. C’est une méthode de travail, pouvant être définie comme de l’ingénierie concourante appliquée au bâtiment. Donc nous sommes tous acteurs. Il faut persévérer, apprendre, et surtout partager.
A nouveau, un grand merci pour ton témoignage. Bonne continuation Julien.
Vous pouvez contacter Julien Benoit, pour des conseils avisés et du consulting sur Dynamo ici :
https://aecuandme.wordpress.com/