Ce rapport analytique 2021 de l’UE fait partie du projet d’Observatoire Européen du Secteur de la Construction (ECSO). Il vise à décrire l’état d’avancement de la numérisation dans le secteur de la construction de l’UE et à identifier certains de ses principaux moteurs et défis. Ce faisant, le rapport fournit des informations, des preuves et des leçons apprises visant à soutenir un large éventail de parties prenantes, y compris les décideurs politiques, qui souhaitent soutenir l’intégration des technologies numériques dans le secteur de la construction.
Bien que se transformant, le secteur de la construction reste l’un des secteurs les moins numérisés de l’économie. Dans le même temps, l’intégration des technologies numériques est souvent considérée comme un élément clé pour relever certains des principaux défis auxquels elle est confrontée, tels que la pénurie de main-d’œuvre, la compétitivité, la préservation et l’efficacité des ressources et de l’énergie ainsi que la productivité.
État des lieux de la numérisation dans le secteur de la construction
Ce rapport présente l’état des lieux des technologies numériques les plus pertinentes dans le secteur de la construction. Des niveaux de maturité et d’adoption très différents ont été identifiés, à la fois parmi les États membres de l’UE, parmi les différentes technologies et même parmi les différentes phases d’un même processus de construction. Néanmoins, ce qui est clairement apparu, c’est que le secteur de la construction de l’UE progresse dans l’adoption des technologies numériques.
L’analyse de marché a montré que parmi les technologies d’acquisition de données, les capteurs sont la technologie avec le plus haut niveau de maturité du marché et de préparation technologique ; cependant, des marges d’amélioration importantes sont présentes lorsqu’il s’agit de leur intégration dans les bâtiments existants. La numérisation 3D est de plus en plus utilisée, tandis que l’Internet des objets (IoT) n’est pas encore largement adopté, bien qu’il se développe rapidement.
Les processus d’automatisation dans le secteur de la construction font référence à l’utilisation de robots, de l’impression 3D et de drones pour automatiser des tâches spécifiques dans le secteur de la construction. Ces technologies diffèrent considérablement en termes de développement. Les drones sont de plus en plus utilisés, notamment au travers du développement et de l’amélioration des capteurs dont ils sont équipés, tandis que les robots et l’impression 3D sont encore en phase de développement et utilisés uniquement pour des tâches très spécifiques et limitées. La faible disponibilité commerciale des technologies d’automatisation reflète également le fait que les phases de construction et de maintenance de la chaîne de valeur ont un intérêt plus limité en matière de numérisation.
Enfin, l’utilisation efficace des données numériques représente l’avenir de la numérisation du secteur de la construction. En fait, l’analyse des données est nécessaire pour donner un sens à toutes les données recueillies et apporter des améliorations et des avantages tangibles. Cependant, comme les technologies et innovations de cette catégorie sont profondément liées à la maturité des technologies d’acquisition de données et d’automatisation, leur statut varie considérablement de l’une à l’autre. Le Building Information Modeling (BIM) est de plus en plus utilisé dans le secteur de la construction ; cependant, ce processus est souvent limité à la phase de conception des (grands) projets. La réalité virtuelle et augmentée et l’intelligence artificielle sont encore en phase de développement et ne peuvent pas encore être considérées comme prêtes pour le marché. Les Digital Twins se limitent pour l’instant à quelques projets pilotes, mais la majorité des acteurs publics et privés consultés s’accordent à dire qu’ils ont un fort potentiel pour l’avenir.
Politiques et initiatives de numérisation dans l’UE
Il existe un vif intérêt parmi les décideurs politiques pour soutenir la numérisation du secteur de la construction. Dans la majorité des États membres de l’UE – 16 sur 27 – il existe des politiques couvrant ou ciblant spécifiquement la numérisation du secteur de la construction. Les mesures politiques en faveur de la numérisation s’accompagnent souvent d’un soutien financier sous forme de subventions, de prêts ou de fonds propres, mais aussi d’une assistance technique, comme pour les plateformes de construction numérique. Les plateformes numériques de construction sont un exemple réussi de politique publique analysée. Ces plateformes sont des espaces virtuels ou physiques rassemblant des acteurs privés et publics pour accompagner l’intégration des technologies numériques. Bien que les plateformes ne génèrent pas toujours un fort intérêt, elles permettent des collaborations, des synergies et un partage des connaissances au sein du secteur de la construction et entre le secteur public et le secteur privé.
De nombreux gouvernements nationaux ont mis en place des obligations BIM dans leurs processus de passation des marchés publics. Les retours des acteurs de l’industrie et du secteur public consultés pour ce rapport indiquent que cela est particulièrement bénéfique pour favoriser la numérisation du secteur de la construction. Cependant, en développant de telles exigences, les acteurs du secteur public doivent également i) renforcer leurs capacités liées au BIM ; ii) équilibrer leur concentration entre un prix bas et une qualité élevée ; iii) et s’assurer que tous les types d’entreprises (petites et grandes) peuvent tirer parti de ces opportunités de numérisation.
Les gouvernements nationaux et locaux facilitent également l’adoption des technologies numériques dans le secteur de la construction en fournissant des services électroniques, par exemple en délivrant des permis de construire et en conservant le référentiel de données de construction et d’informations géospatiales (cadastre). Ceux-ci fournissent des informations et des données cruciales et pourraient faciliter l’adoption des technologies numériques. À cet égard, un nombre croissant d’États membres de l’UE ont adopté des systèmes numériques de permis de construire, des carnets de bord numériques et des registres de propriétés. Leur niveau de sophistication évolue également, avec par ex. l’intégration d’un système d’information géographique (SIG) et de modèles 3D pour le registre numérique des propriétés. Dans l’ensemble, avec le développement récent au niveau de l’UE – en termes de politiques, de mesures de soutien, de financement, etc. – on peut s’attendre à ce que les gouvernements nationaux soient incités à faire davantage pour soutenir la numérisation du secteur de la construction. Cela sera crucial pour soutenir la transformation du secteur et sa croissance, mais aussi pour atteindre les objectifs liés au climat et à la durabilité.
Moteurs et défis de la numérisation dans le secteur de la construction
Drivers
Les politiques et les drivers du marché jouent un rôle clé dans la numérisation du secteur de la construction. La Commission Européenne a mis en place des politiques ambitieuses pour soutenir l’adoption des technologies numériques au sein de l’UE. La vague de rénovation (EU Renovation Wave) vise à au moins doubler les taux de rénovation dans l’UE au cours des dix prochaines années ; la directive sur la performance énergétique des bâtiments promeut également les technologies intelligentes ; et le Green Deal européen consacre une attention particulière à la circularité du secteur de la construction. Ces politiques sont associées à des financements tels que les programmes Horizon Europe et Digital Europe, le mécanisme pour la relance et la résilience et InvestEU.
Les principaux drivers du marché sont les besoins des entreprises d’améliorer leur productivité et de réduire leurs coûts, ainsi que la demande du marché en matière d’adoption des technologies numériques, qui poussent les entreprises de technologie de la construction à innover.
Défis
L’analyse a conclu que le coût des équipements et des logiciels, le manque de main-d’œuvre qualifiée et le manque de sensibilisation et de compréhension des technologies numériques sont les trois principaux facteurs entravant la numérisation plus rapide et plus large du secteur européen de la construction.
Cela étant dit, des variations importantes sont présentes entre les États membres, les technologies et les acteurs. Par exemple, le coût des équipements a été évalué comme un facteur limitant important pour l’impression 3D et la robotique, mais un problème secondaire pour l’adoption des capteurs. D’autre part, le manque de main-d’œuvre qualifiée affecte particulièrement l’adoption de l’intelligence artificielle et de la réalité virtuelle et augmentée, et ne limite que dans une moindre mesure l’utilisation des capteurs.
Conclusions et leçons apprises
Il existe un consensus sur le fait que la numérisation est à la fois inévitable et essentielle pour la compétitivité et la durabilité du secteur européen de la construction. Malgré le manque de données relatives au niveau de numérisation du secteur de la construction dans l’UE-27, un certain nombre de technologies sont à un stade de développement avancé et ont été adoptées et intégrées par un nombre croissant d’entreprises du secteur.
Les initiatives politiques peuvent avoir un impact important sur la promotion de l’adoption des technologies numériques. Bien que ce rapport ait analysé les technologies numériques individuellement, il a reconnu le niveau élevé d’interconnexion entre elles. Ainsi, la maturité et le taux d’adoption d’une technologie numérique individuelle sont en partie liés au développement d’autres technologies, et cela devrait être pris en compte lors de l’élaboration des politiques publiques.
En tant que tel, les décideurs devraient adopter une approche holistique qui prend en considération les liens et les dépendances entre les différentes technologies, le contexte national et la structure du marché pour le secteur. Les parties prenantes consultées pour cette étude ont également confirmé le rôle important des mesures au niveau de l’UE, soulignant le besoin spécifique de trois types d’intervention : des réglementations, des campagnes de sensibilisation et un soutien financier aux entreprises de construction.
Un cadre réglementaire au niveau de l’UE tel que celui envisagé pour la création du marché unique des données a été identifié comme étant de première importance pour assurer une meilleure qualité et gestion des données, et pour relever les défis liés aux droits de propriété intellectuelle, à la cybersécurité et à la propriété des données.
L’UE peut jouer un rôle clé dans la sensibilisation aux technologies numériques, en particulier auprès des PME de la construction, qui ignorent souvent et/ou ne sont pas convaincues de leurs avantages. Les PME doivent être conscientes des opportunités de financement, et le processus de candidature doit également être adapté à leurs capacités et aux ressources disponibles.
L’UE devrait augmenter le soutien financier aux entreprises, et en particulier aux PME, pour qu’elles investissent dans les technologies numériques. Le nouveau CFP met l’accent sur la transformation numérique. Il comprend Horizon Europe (budget de 95,5 milliards d’euros) et Digital Europe (7,5 milliards d’euros) pour soutenir les investissements dans les infrastructures liées à la numérisation, le déploiement des technologies numériques, ainsi que la recherche et l’innovation.
La politique de l’UE devrait idéalement se concentrer sur les phases de planification, de conception, de construction, d’exploitation et de maintenance du secteur afin de soutenir efficacement sa numérisation. Les autres phases que sont la rénovation, la démolition et le recyclage sont des points d’entrée moins pertinents pour la plupart des technologies numériques et leur numérisation interviendra une fois que les autres phases de construction seront plus numérisées. Dans le même temps, à long terme, il sera important pour les décideurs politiques d’assurer la numérisation de toutes les phases conformément aux objectifs établis de la politique de construction circulaire et à leur importance pour les objectifs de la politique de rénovation.
L’élaboration et la mise en œuvre d’une intervention politique dans le secteur de la construction est un exercice très complexe, qui doit être pensé de manière holistique – non seulement d’un point de vue sectoriel, mais plutôt d’un point de vue systémique (c’est-à-dire en incluant les politiques horizontales). De plus, si une telle intervention vise à terme à avoir un impact sur le secteur et ses acteurs, il est essentiel d’identifier où les intérêts du secteur privé et public s’alignent le mieux. Une intervention politique de l’UE pourrait donc commencer par soutenir la numérisation des premières phases (c’est-à-dire les phases de conception et de construction) des chaînes de valeur de la construction, où le secteur privé manifeste le plus d’intérêt pour les technologies numériques. Il est important de noter que toute intervention politique élaborée doit être flexible pour refléter la dynamique observée dans le développement et l’intérêt pour différentes technologies, dont la pertinence peut changer rapidement. Enfin, il est important de noter que toute intervention politique de l’UE doit être fondée sur des preuves et étayée par des données suffisantes (qualitatives et quantitatives) sur la numérisation du secteur de la construction. Ce rapport est un premier pas dans cette direction, et des études futures pourront s’en inspirer pour approfondir des questions et des sujets spécifiques.
Le secteur privé manifeste son intérêt pour une intervention politique de l’UE dans les phases initiales de la chaîne de valeur.
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