Alors que le BIM tend à entrer sinon dans les pratiques du moins dans les réflexions menées par les acteurs de la filière Bâtiment, bon nombre de TPE/PME estiment ne pas être en mesure de l’intégrer pour des raisons de coûts et parce qu’elles l’estiment sans valeur ajoutée dans leur pratique quotidienne. La réalité est toute autre.
Comparés à d’autres pays, le secteur de la construction est symptomatique d’une forte représentation des petites entreprises. A titre d’exemple, l’ingénierie compte plus de 14000 entreprises (sur 18 250 référencées) ayant un effectif d’entre 1 et 9 salariés. Les convaincre représente donc le premier challenge. Comme le résumait Annalisa De Maestri, directrice de BET Bianchi lors de l’événement Meeting BIM en octobre dernier, « Au sein de l’agence, le plus petit chantier que nous avons adressé en BIM faisait 2000 m2 ; il ne s’agit donc pas d’une question d’échelle mais d’application ».
Le (faux) écueil de la perte de rendement
L’une des pierres d’achoppement mise à jour par les bureaux d’études et les architectes est le coût des logiciels et le temps consacré à la formation au détriment de l’activité. S’il convient d’admettre une période incompressible d’apprentissage, celle-ci n’est pas forcément synonyme de perte de productivité ! Le bureau de Conseils Thermiques spécialisé en Etudes d'Efficacité Energétique CT3E, basé à Troyes, est exemplaire de ceque le BIM peut apporter. Après avoir subi de plein fouet une baisse de près de la moitiédes dépôts de permis de construire en Champagne-Ardenne en 2014, le bureau d’études,composé de deux personnes, a choisi de se former en partant d’un constat simple : « Nous disposions déjà des fichiers au format DWG fournis par les architectes mais nous devions réaliser à la main toute la saisie thermique, ce qui nous faisait perdre du temps et était souvent synonyme d’erreurs », rappelle Stéphane Arlandis, son fondateur. Après une période de formation, CT3E a ajouté la maquette numérique en IFC dans son fonctionnement, en s’appuyant sur les offres d’abonnement des éditeurs de logiciels mais aussi sur le fait qu’Autodesk Revit est certifié par buildingSMART International en openBIM IFC, gage de qualité et de sérieux et qu’il leur donne pleine satisfaction.
« Nous n’avions pas la trésorerie pour investir dans une licence pleine. L’abonnement est plus flexible, moins onéreux – de 75 à 250 € par mois environ– et, surtout, il n’y a pas immobilisation de matériel. Au niveau comptable, pour des structures comme la nôtre, c’est vraiment un gain ! »Plus largement, la plupart des éditeurs proposent en premier lieu une version d’essai gratuite 30 jours complète de leurs logiciels en téléchargement, ce qui peut être une bonne porte d’entrée pour se familiariser avec l’approche. Ensuite, ces mêmes éditeurs ont des offres d’abonnement flexibles, assorties de conditions très attractives : accès et paiement à l’usage, flexibilité de la gestion des licences, tout en bénéficiant des dernières mises à jour, sans surcoût. Avant d’investir, il est nécessaire de bien lister tous les services et ressources que les éditeurs proposent afin de choisir la solution la plus complète… et la mieux dimensionnée pour les projets.
Convaincre… sur le chantier
Le cluster Eskal Eureka, qui regroupe 70 sociétés de la filière BTP non loin de Toulouse, a engagé cette démarche. « Nous avons multiplié les petits déjeuners de présentation mais nos interlocuteurs ne sont pas sensibles à une belle présentation sur grand écran et arguent du peu de temps à y consacrer », avoue Ana Guevara, directrice du cluster et formatrice BIM.
« Alors, c’est Eskal Eureka qui se propose d'aller vers eux, sur le chantier, avec une tablette et un rétroprojecteur. Nous leur présentons l’outil physique, ce que représente ou peut représenter le BIM, la maquette numérique dans leur quotidien. La clé de voûte de notre argumentaire est la planification du chantier. Nous leur disons : ‘Grâce à la maquette numérique réalisée par un architecte, vous allez pouvoir mieux préparer votre chantier,mieux travailler avec vos fournisseurs, raccourcir les délais de fabrication et réduire vos déchets de chantier’ . Ce sont des arguments auxquels ils sont très sensibles, bien plus que l’interface de tel ou tel outil ».
Le BIM évolue avec l’entreprise
De nombreuses TPE interrogées sur leur intégration de la maquette numérique dans leur activité soulignent le fait que le BIM, c’est avant tout ce que l’on en fait. Ainsi, l’agence parisienne l-ba, créée en 2006 par Thibaut Robert, compte « seulement » 4 architectes avec des projets d’un budget moyen de 2,6 M€. « J’ai dans un premier temps appréhendé le BIM seul dans l’idée de ne pas impacter le cabinet », raconte-t-il. « Cela nous a permis, au furet à mesure de son élargissement, à gagner des projets, fiabiliser les process, capitaliser et monter en compétences ». Loin d’y aller à marche forcée, il convient d’adopter un pas mesuré : « On ne doit pas traduire en BIM toute l’intelligence de la société ; il convient de démarrer sur un périmètre restreint, voir de quoi nous sommes capables dans un premier temps et, après, d’élargir ».
Même si la question, fondée mais récurrente, du coût du passage au BIM pour les petites structures est nécessaire, son pendant opérationnel l’est encore plus : quel gain puis-je espérer du passage au BIM ? Stéphane Arlandis, de CT3E, y voit d’abord un gain de temps :
« Nous avons gagné deux jours sur l’étude thermique d’un bâtiment complexe. Cela nous permet de proposer aux clients des variantes pour une meilleure approche du projet. En outre, nous avons pu, via l’ADEME, présenter notre stratégie BIM qui a séduit de nombreux décideurs de la région. »Depuis, le bureau d’études traite deux projets par semaine… et prévoit l’embauche de deux personnes supplémentaires !