Interview BIM Managers – Episode #25 Antoine Baratte, Eiffage Construction

Antoine Baratte, Eiffage Construction
LinkedIn
E-mail

Les interviews BIM Managers d’ABCD Blog continuent et nous avons la chance cette semaine d’accueillir un jeune BIM Manager qui officie chez l’un des leaders français de la Construction, la Société Eiffage Construction.

Bonjour Antoine, bienvenu sur ABCD Blog. Pourrais-tu te présenter en quelques mots et nous dire ton parcours et ta formation à l’origine ?

Bonjour Emmanuel, je m’appelle Antoine Baratte, j’ai 29 ans et suis diplômé d’un master en Conception et Simulation numérique. Je suis par ailleurs passionné d’architecture et en veille permanente sur les nouvelles technologies.

Tu fais partie du Groupe Eiffage, une belle société connue en France mais pourrais-tu nous présenter son organisation et quelques chiffres clés en quelques mots pour nos lecteurs ?

Eiffage est l’un des leaders européens du BTP et des concessions. Le Groupe compte 70 400 collaborateurs et a réalisé en 2018, un chiffre d’affaires de 16,6 milliards d’euros. Nos activités portent sur la construction, la promotion immobilière, l’aménagement urbain, le génie civil, la route, le métal, l’énergie systèmes et les concessions.
Chaque année, 100 000 chantiers sont menés par le Groupe.
Présents sur l’ensemble du territoire, nous sommes implantés dans plus de 50 pays.

Comment es-tu arrivé au BIM Management et au numérique ? Est-ce une passion que tu as découvert lors de tes études ou plus tard ?

Diplômé en 2015, mon Master en Conception et Simulation m’a offert une première approche des notions de BIM et de collaboration via ce que l’on nomme la maquette numérique ou le BIM dans les pays anglo-saxons.

Au préalable, j’avais effectué des études de Design qui m’ont apporté une sensibilité artistique et une écoute empathique. Cette dernière est une notion importante, savoir écouter les besoins et les prescriptions d’un contributeur dans un projet est crucial.

Création et modélisation 3D Antoine Baratte

Les nouvelles technologies et les évolutions qu’elles apportent sur les méthodes de travail classique demeurent encore aujourd’hui un facteur important dans mes choix professionnels.

Cependant, ayant débuté en tant que projeteur, je garde en tête qu’il est souvent plus simple de sortir la première idée sur une feuille de papier que directement via une maquette numérique.

J’entends par là qu’une bonne base de travail commune à tous les contributeurs d’un projet BIM permettra d’arriver ensemble vers cet objectif final.

Quand es-tu arrivé chez Eiffage ? Il me semble que tu as travaillé auparavant sur un projet d’envergure, l’aéroport d’Orly et déjà en BIM ?

J’ai rejoint Eiffage Construction et plus particulièrement la Cellule BIM, il y a un peu plus d’un an et demi maintenant. Il s’agit d’une cellule accompagnant la montée en compétence des salariés d’Eiffage sur la notion du BIM avec à sa tête Franck Queret.

Avant cela, j’ai pu officier sur différents projets de réhabilitation de terminaux d’aéroports et de terminaux neufs dont le bâtiment d’Orly Jonction au sein de la Société Daifuku Logan. C’est une entreprise experte en systèmes de tri-bagages, les maquettes numériques produites étant plutôt typées technique et non bâtiment.

Système de tri bagages, Bâtiment Jonction Orly – Daifuku Logan
MOA & Ingénierie Groupe Aéroports de Paris

Durant plus de 3 ans,  j’ai participé aux phases de conception du projet d’Orly puis d’exécution en qualité de chef de projet des études d’Exécution et BIM Coordinateur France.

Ce fut ma première expérience sur un projet de grande envergure conduit via un processus BIM et des méthodes de fonctionnement à l’anglaise. C’est-à-dire au sens large via une plateforme collaborative et la maquette numérique, ainsi que les premiers exports de COBie via des MasterEquipementList.

Combien êtes-vous dans le département BIM et comment êtes-vous organisés ? Et quel est ton rôle précis ?

La cellule BIM est constituée de 4 personnes avec 3 chefs de Projets BIM dont je fais partie.

La mission d’un chef de projet BIM ou BIM Manager est avant tout l’appui aux réponses à appels d’offres. L’objectif est de clarifier les demandes des Maîtrises d’Ouvrages concernant les notions de BIM et cadrer les réponses qui seront apportées par le candidat.

Dès lors qu’Eiffage devient lauréat, la cellule propose d’accompagner l’équipe projet en qualité de BIM Manager avec l’établissement d’une convention et la gestion du processus collaboratif et ceci jusqu’au DOE numérique.

D’ailleurs, faites-vous une différence entre les constructions métalliques, béton et bois ? Avez-vous des équipes séparées ?

Aucune différence n’est faite entre les différentes disciplines ainsi que les sous-traitants avec lesquels nous travaillons.

Je m’explique, un BIM Manager doit être capable de vérifier la cohérence d’une maquette numérique avec les demandes de sa convention. Et ceci, sans se soucier du logiciel métier utilisé !

Qu’une maquette lui soit communiquée au format IFC ou bien au format Revit, Inventor, ou tout autre logiciel BIM ou CAO, il se devra de vérifier si celle-ci est correctement construite.

Nous sommes donc amenés à utiliser un nombre important de logiciels métier afin de vérifier la cohérence des formats natifs qui nous sont confiés.

A tort, Eiffage Construction est peut-être moins connu du grand public sur la partie BIM. Pourrais-tu me citer quelques projets emblématiques ou intéressants que vous avez réalisé ?

La rénovation de la Grande Arche de La Défense, la construction du campus Pierre Berger à Vélizy-Villacoublay dans lequel notre siège est implanté ou encore le siège social de BNP Paribas Fortis à Bruxelles sont quelques-uns des projets menés en BIM.

L’un des projets phares du Groupe a également remporté le BIM d’Or 2019 : la tour en bois Hypérion à Bordeaux dont les travaux ont débuté il y a quelques mois.

Quel est ton quotidien en tant que BIM Manager et tes missions principales ?

Dans la cellule BIM, nous nous sommes rendu compte qu’un BIM Manager a la capacité de suivre 3 à 4 projets en même temps.

Il y a donc une certaine pluralité de missions assorties à ce statut.

La matinée peut être consacrée à la réalisation d’audits sur une maquette Structure et une maquette de type CVC/Plomberie/Sprinklage.

Le résultat sera alors une fiche d’audit individuelle indiquant chaque point à revoir en vue d’une prochaine diffusion par le contributeur et d’une synthèse projet.

Le début d’après-midi peut être consacré à la réalisation d’une convention BIM sur un projet de réhabilitation en phase d’Exécution.

Cela va de la définition de principe de modélisation jusqu’à la codification à appliquer sur les familles et les types.

La fin de journée peut se concentrer sur la préparation d’une revue de modèle en confrontant les dernières versions de maquette ARC, STR et CET (Corps d’états techniques).

Ceci dans le but de mettre en exergue l’ensemble des conflits entre disciplines et de solliciter une demande de résolution.

Quels sont tes défis, et tes moments préférés dans ton rôle ?

Mon défi de tous les jours, c’est la communication entre les membres des équipes projet. Je m’assure que la bonne information arrive bien en temps et en heures aux oreilles de toutes les personnes concernées.

Les visites sur chantier sont toujours des moments intéressants. Que ce soit sur des projets de réhabilitation d’école ou de construction de tour en bois, les visites permettent de ne pas perdre pied avec la réalité du terrain.

Modélisation 3D Antoine Baratte

La maquette numérique, quand elle est confrontée au chantier via des applications de réalité augmentée tel que Horus, permet une bonne prise de conscience du projet dans son environnement.

Quels sont tes outils logiciels préférés et pourquoi ?

J’ai longtemps exercé sur des logiciels typés mécanique tel qu’Autodesk Inventor ou similaire. Mais les plateformes collaboratives s’ouvrent aux enjeux du moment et proposent des outils de plus en plus intéressants.

Que ce soit la comparaison de révision de maquette (qui fait gagner un temps fou) jusqu’au calculateur d’émission carbone, elles deviennent de vrais outils complémentaires au travail du BIM Manager.

Sur quels projets travailles-tu actuellement ?

La SEMOP de Châtenay-Malabry (BIM d’argent 2019) est un des projets sur lequel nous accompagnons Eiffage Aménagement et Eiffage Immobilier quant aux notions de BIM mais également de CIM (City Information Modeling).

J’ai également la responsabilité BIM d’un projet de réhabilitation d’un hôtel de luxe sur lequel la cellule accompagne les équipes d’Eiffage Construction.

Et désormais, la cellule va également accompagner le groupement Nexity, Eiffage, CDC Habitat, EDF et Groupama sur le secteur E du village olympique 2024.

Tu travailles sur le très connu projet Hypérion de l’agence VIGUIER qui a reçu un BIM d’or. Quel effet cela t’a-t-il fait de gagner un BIM d’or ?

Le BIM d’Or, c’est la reconnaissance par ses pairs de l’initiative BIM prise sur un projet. Les cas d’usage tel que Gestion de Conflits ou Planification 4D sont intéressants mais désormais maîtrisés.

Hypérion – Architecte : VIGUIER
MOA : Eiffage Immobilier Entreprise : Eiffage Construction

Les équipes de Conception et d’Exécution d’Eiffage Immobilier ont été récompensées sur les processus de Gestion Logistique/Qualité et également sur le calcul Carbone depuis la maquette numérique.

Ces cas d’usages anticipent le BIM de demain par de nouveaux processus de travail. Le chantier est également mis à contribution car il remonte les informations de contrôle qualité ou de gestion logistique.

Quels sont les défis sur ce projet particulier ? Le fait qu’il soit en bois ? Le fait qu’il doive être irréprochable d’un point de vue développement durable ou autre ?

Avant de dévoiler les enjeux sur ce projet, j’attire votre attention sur le fait qu’une grande partie des éléments structurels de la tour sont en bois. Et ceux-ci s’articulent autour d’un noyau béton s’étirant sur 17 niveaux.

Les défis peuvent être résumés en trois points cruciaux :

–          Le chantier ne possède qu’une très petite aire de stockage. Nous sommes donc en flux tendu sur la gestion logistique des éléments préfabriqués pour la tour en bois.

Il faut gérer les éléments à poser le lendemain, gérer les éléments à poser le jour même et gérer également les éléments à livrer pour la préparation du lendemain.

–          Du fait que la tour soit un assemblage d’éléments préfabriqués, une vérification par un géomètre du bon alignement vertical et horizontal est obligatoire.

Des coordonnées LAMBERT sont extraites de la maquette via des points de vérification et sont vérifiées sur site pour contrôler la bonne inclinaison de la tour.

–          Via la maquette numérique et les informations géométriques et volumétriques qu’elle contient, nous associons une valeur d’émission carbone pour vérifier si le projet respecte des labels comme BBCA ou E+C-.

Une calculatrice carbone est mise à jour durant chaque phase du projet.

Quels sont tes plus beaux souvenirs de BIM Manager ?

–          Sur Orly Jonction avec Daifuku Logan, il s’agissait des premières réunions de Conception entre Maitrise d’œuvre et équipe d’Exécution avec l’utilisation de maquette directement sur chantier via smartphone ou tablette.

Système de tri bagages, Bâtiment Jonction Orly – Daifuku Logan
MOA & Ingénierie Groupe Aéroports de Paris

C’était il y a plus de 4 ans et la technologie n’était pas la même qu’aujourd’hui.

–          Chez Eiffage, la visite de l’Arche de La Défense après travaux est un beau souvenir. L’architecte mandaté sur cette réhabilitation a su conserver les dimensions initiales voulues par Johann Otto von Spreckelsen, c’est-à-dire 110x112x107.

Et il a optimisé les hauteurs sous plafond en supprimant la sensation d’oppression dans certaines pièces.

Comment se passe votre collaboration avec Eiffage Immobilier ? Est-ce qu’ils poussent le BIM sur leurs opérations ?

La collaboration avec Eiffage Immobilier évolue progressivement et dans le bon sens. Franck Queret par l’intermédiaire d’un cahier des charges BIM a su mettre en avant les valeurs ajoutées que peut avoir la mise en place d’un processus BIM sur une opération de logement.

Sous la casquette de promoteur, l’immobilier a désormais la possibilité de vérifier les ratios de conception ou le respect des normes HQE directement depuis la maquette numérique. Ceci permet de proposer des plans de vente optimisés pour les acquéreurs.

Comment collaborez-vous au quotidien avec les Equipes Autodesk sur la partie BIM ?

Autodesk propose un catalogue impressionnant de produits qui communiquent de mieux en mieux entre eux. (ex : La création d’IFC depuis Inventor lu dans Revit).

Une assistance et un accompagnement sont également mis à disposition. Au sein d’Eiffage, nous développons avec des experts Autodesk une série de webinars explicatifs sur les bases du géoréférencement ou les bonnes pratiques de la création d’un IFC entre autres. Ceci dans le but d’avoir un guide de bonnes pratiques commun à tous.

L’interopérabilité et notamment l’openBIM sont-ils clé pour toi au quotidien et comment les solutions Autodesk t’aident-elles en ce sens ?

Comme expliqué un peu avant, l’interopérabilité est cruciale dans un projet où viennent se croiser différentes disciplines.

buildingSMART International et son format IFC offrent la possibilité de récupérer le travail d’un collaborateur sans pertes d’informations et de géométries.

Je travaille avec des produits Autodesk depuis maintenant presque 10 ans et j’ai pu constater leurs évolutions. La lecture des IFC externes par Navisworks Manage par exemple s’améliore d’année en année.

Autodesk me semble attentif au retour de ses utilisateurs et laisse libre accès au développement sur la base de ses APIs. C’est-à-dire qu’une entreprise peut développer ses propres outils métiers et ceux-ci viennent se greffer dans un onglet Revit.

Même si Hypérion est exceptionnel, quel serait le projet sur lequel tu rêverais de travailler ?

Un aéroport conçu par les équipes de l’architecte Zaha Hadid ! Comme l’aéroport de Daxing à Pékin par exemple.

Comment te tiens-tu informé et à niveau technologiquement de ce qui évolue autour des nouvelles technologies et du BIM ?

Constamment en veille, je me suis inscrit à des newsletters francophones (VillageBIM ou Objectif BIM) et étrangères (BIM +, DesignBoom, Dezeen, ArchDaily, etc)

Je trouve qu’il est important de s’intéresser aux processus BIM dans d’autres pays comme le Royaume-Uni ou encore Singapour.

Je recommande également une chaine Youtube que je viens de découvrir et qui se nomme The B1M.

Comment vois-tu ton métier évoluer d’ici 5 ans ?

Je pense que ce qu’on appelle le BIM niveau 3 (pleinement collaboratif) sera ordinaire dans tout projet.

Modélisation 3D Antoine Baratte

Connaissais-tu ABCD Blog ?

Oui, je suis ce blog depuis quelques temps maintenant et je te remercie de m’avoir permis de m’exprimer aujourd’hui.

Antoine, un grand merci pour cette très intéressante interview qui ravira nos lectrices et lecteurs. Nous te souhaitons, ainsi qu’à Eiffage encore plus de succès après cette consécration du BIM d’or.

Bien à toi.

Une réponse sur “Interview BIM Managers – Episode #25 Antoine Baratte, Eiffage Construction”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *